mardi 29 mai 2007

Aimé Césaire : père de la « Négritude »


L’effort…

Je demande trop aux hommes ! Mais pas assez aux nègres,
Madame, S’il y une chose qui, autant que les propos
Des esclavagistes m’irrite,
C’est d’entendre nos philanthropes clamer, dans le meilleur esprit sans doute, que les hommes
Sont des hommes et qu’il n’y a ni blancs ni noirs.
C’est penser à son aise, et hors du monde, Madame.
Tous les hommes ont mêmes droits. J’y souscris.
Mais du commun lot,
Il en est qui ont plus de devoirs que d’autres.
Là est l’inégalité.
Une inégalité de sommations, comprenez-vous ?
A qui fera-t-on croire que tous les hommes,
Je dis tous, sans privilège, sans particulière exonération,
Ont connu la déportation, la traite, l’esclavage,
La vaste insulte ; que tous, ils ont reçu, plaqué sur le corps, au visage …
Nous seuls, Madame, vous m’entendez,
Nous seuls les nègres ! Alors au fond de la fosse !
C’est bien ainsi que je l’entends. Au plus bas de la fosse.
C’est là que nous crions ;
De là que nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil.
Et si nous voulons remonter voyez comme s’imposent à nous,
Le pied qui s’arc-boute, le muscle qui se tend,
Les dents qui se serrent, la tête, oh !la tête large et froide !
Et voilà pourquoi
Il faut en demander plus aux nègres plus qu’au autres :
Plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme,
Un pas, un autre pas,
Encore un autre pas et tenir gagné chaque pas !
C’est d’une remontée jamais vue que je parle, Messieurs,
Et malheur à celui dont le pied flanche !

Aimé CESAIRE (poète et écrivain martiniquais)

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