vendredi 18 avril 2008

Aimé Césaire,le combattant de la négritude




De passage en Martinique, aucun homme politique ne manquait jamais de faire un pèlerinage chez Aimé Césaire.


Il a toujours entremêlé poésie et politique. Dans les années 1940, il fonda le courant littéraire de la négritude, avec Léopold Sédar Senghor. Il vient de s'éteindre à Fort-de-France à l'âge de 94 ans.

Écrivain, poète et homme politique, Aimé Césaire vient de mourir à Fort-de-France, en Martinique, ­ville dont il fut le maire plus d'un demi-siècle. Il avait 94 ans. Mondialement renommé pour son action en faveur de la «négritude», concept dont il sera le théoricien avec le président sénégalais Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire laisse une œuvre poé­tique et théâtrale qui a exercé une influence considérable aussi bien en Occident que dans le monde africain et créole. Homme de paix et de réconciliation, Papa Césaire, ainsi qu'on le surnommait affectueusement aux Antilles, était une figure respectée et politiquement incontournable, malgré les contestations que pouvaient engendrer ses prises de position.

«Ni asservissement, ni assimilation»

Né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe, en Martinique, le jeune Aimé Fernand Césaire est issu d'une famille de sept frères et sœurs. Son grand-père fut le premier enseignant noir de Martinique et sa grand-mère savait lire et écrire, qualité rare pour une femme de ce milieu, à cette époque. Sa mère, couturière, et son père, contrôleur des impôts, encouragent le jeune Aimé à poursuivre des études. Bachelier, il obtient une bourse d'études et quitte son île pour la métropole. «Je ne me plaisais pas dans cette société étroite et mesquine et aller en France était pour moi un acte de libération», déclare celui qui est entré en 1931 en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Sa venue dans la capitale provoque un choc et une déception. Bien que jouissant des mêmes droits que quiconque, le nouveau venu ne se sent pas perçu comme un Français «comme un autre».

Après avoir réussi, en 1935, le concours d'entrée à l'École normale supérieure, il fonde, avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et l'intellectuel guyanais Léon Gontran Damas, une revue appelée à jouer un rôle dans la prise de conscience de l'identité négro-afri­caine, L'Étudiant noir. Reprenant à son compte le terme péjoratif de «nègre», il écrit dans un de ses premiers articles : «Les jeunes nègres d'aujourd'hui ne veulent ni asservissement ni assimilation, ils veulent l'émancipation .» Laquelle suppose la décolonisation des peuples africains et la valorisation de leur culture d'origine. C'est le sens du concept de «négritude» qu'il défend avec Senghor.

Fondée sur le sentiment qu'il existe une communauté d'expérience propre à tous les Noirs, qu'ils soient américains, antillais ou africains, cette notion irrigue son premier livre, un recueil de poésie, Cahier d'un retour au pays natal, rédigé en 1938.

Devenu agrégé de lettres, Aimé Césaire retourne en Martinique en 1939 pour enseigner. Il est élu, en 1945, maire de Fort-de-France sur la liste du Parti communiste et soutient le projet de «départementalisation» des Antilles, de la Guyane et de la Réunion. Une position que d'aucuns jugeront incohérente : en effet, peut-on affirmer que l'identité antillaise est «aliénée» tout en refusant l'indépendance à une époque où les peuples africains réclament leur droit à la souveraineté ? En fait, s'il refuse le concept d'assimilation républicaine, porteuse, à ses yeux, d'une forme de négation, Aimé Césaire reste attaché à la France. Il se donne comme but de concilier le principe d'autonomie au sein du cadre national. En 1947, il fonde, toujours avec son complice Léopold Sédar Senghor et l'écrivain malgache Jacques Rabemananjara, la revue Présence africaine, où il exprime en 1955 son «différentialisme» culturel dans un célèbre discours sur le colonialisme. Il y critique un humanisme occidental qu'il juge «ethnocentrique». Un parti pris antijacobin qui le met en porte-à-faux avec le Parti communiste français, qu'il quitte au lendemain de l'intervention soviétique en Hongrie. Il fonde le Parti progressiste martiniquais en 1958.

Loin des sirènes de l'antioccidentalisme

Parallèlement, il poursuit une œuvre poétique à travers la publication de Soleil cou coupé (1948), Corps perdu (1950) et Cadastre (1961) qui seront salués par André Breton pour leur puissance d'évocation du monde afro-antillais. Il écrit aussi des pièces de théâtre.

Considéré par beaucoup comme le plus grand écrivain du monde afro-caribéen, il acquiert une renommée mondiale. Élu et réélu député de Martinique de 1946 à 1993, il est néanmoins contesté par une jeune génération d'écrivains antillais, comme Raphaël Confiant, qui critiquent sa vision «mythique» de l'africanité et prônent le métissage et la «créolisation» plutôt que la valorisation de la négritude. S'il a dénoncé avec virulence un universalisme occidental par trop réducteur à ses yeux, Aimé Césaire n'a pour autant jamais cédé aux sirènes de l'antioccidentalisme. Par ailleurs, il s'est désolidarisé des discours qui, ces dernières années, ont prétendu instrumentaliser le malaise de certains Noirs en France pour nourrir le thème de la repentance. Fondé sur la reconnaissance de la diversité, son humanisme s'est voulu capable de concilier une forme de «multiculturalisme ouvert» avec le principe d'unité sur lequel est fondée la nation française.

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