vendredi 18 avril 2008

- Avec Aimé Césaire meurt le poète de la négritude



Ecrivain et homme politique, militant lucide, le Martiniquais est décédé à 94 ans.

En Martinique et partout où souffle la poésie, «la mort pleure tout doucement dans le cou du vent doux», comme l'écrit Aimé Césaire dans Les Armes miraculeuses. Ce poète majeur et militant lucide a rendu son soupir, que seules les langues mauvaises qualifieront de «dernier». Avec lui, le souffle demeure premier quoiqu'il advienne. Quoiqu'il en coûte.Transporté d'urgence la semaine passée à l'hôpital de Fort-de-France (préfecture de la Martinique) pour de graves troubles cardiaques, Aimé Césaire est décédé hier matin à 94 ans.
Le fruit juteux de la colère

«Hé p'tit nègre!» Dans le Paris des années 30, un automobiliste blanchâtre interpelle le jeune Aimé Césaire que ses brillants résultats scolaires ont amené de Martinique à la capitale. La colère née de ce ton méprisant portera un fruit juteux: la négritude. Il fleurira tout d'abord sous la plume de Césaire dans une revue, L'Etudiant Noir, qu'il a fondée avec d'autres condisciples de même culture. Parmi eux, Léopold Sédar Senghor autre poète, futur père fondateur du Sénégal , qui développera également ce concept regroupant l'ensemble des valeurs culturelles propres à l'Afrique noire.

Le mot «nègre» change de statut et transforme l'insulte en fierté. C'est par le langage que les intellectuels de la négritude feront éclater le carcan colonialiste. Ses activités éditoriales n'empêchent nullement Césaire de devenir agrégé ès lettres en 1939. Avec sa femme Suzanne Roussi, il regagne aussitôt la Martinique pour y enseigner.
Le moi africain

Durant ces années passées à la Sorbonne, Aimé Césaire découvre le surréalisme, qui révolutionne alors l'art et la littérature. Le terrain est ainsi préparé à la rencontre du poète avec André Breton en 1941. Exilé par la guerre aux Etats-Unis, le fondateur du surréalisme se rend dans les Antilles. Il a été impressionné par le premier ouvrage publié d'Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal. C'est le coup de foudre fraternel entre les deux hommes.
Rompre avec la logique européenne

Le poète martiniquais entre en surréalisme. Mais avec lucidité. Il rejette toute assimilation à la culture occidentale, aussi révolutionnaire fût-elle. Il ne sera la caution noire de personne. L'écriture automatique prônée par le surréalisme est, pour lui, le couteau qui lui permet de trancher les amarres avec la littérature blanche

Césaire s'en explique au poète mauricien Edouard J. Maunick, lors d'un entretien diffusé par France-Culture en janvier 1976: «L'écriture automatique était un moyen de rompre cette logique européenne et d'accéder à ce trésor qui était mon moi profond, donc mon moi africain». Ce moi que l'écrivain appellera, «nègre fondamental».
Un communiste plutôt indocile

Son action poétique est indissociable de son action politique. S'il adhère au Parti communiste en 1945, Césaire ne sera jamais son instrument docile. Il se servira du marxisme comme d'un levier pour soulever le bloc des colons. Député et maire de Fort-de-France pendant... 48 ans, Aimé Césaire a rompu avec le PCF en 1956 dans une fracassante Lettre à Maurice Thorez, secrétaire général du PCF. Il y fustige, notamment, l'absence de déstalinisation du parti français.

Ce soir, levez donc la tête. Vous y verrez briller une étoile noire.

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