jeudi 17 avril 2008

Basse-Pointe, aux sources du fleuve Césaire

Le message de justice d'Aimé Césaire, décédé jeudi à l'âge de 94 ans, a pris sa source à Basse-Pointe, la commune du nord de la Martinique où le poète est né en 1913 dans un univers profondément marqué par deux siècles d'esclavage.

"Enfant du nord de la Martinique battu par les vents, il y avait Basse-Pointe, les vagues immenses. C'était ça mon paysage vraiment fondamental", déclarait-il en 2004 au journaliste Patrice Louis.

Césaire naît à Basse-Pointe au hasard d'une affectation de son père, contrôleur des contributions. La Martinique est alors une colonie et la région vit de la transformation de la canne à sucre. Une industrie grande consommatrice de main-d'oeuvre, fournie par l'esclavage jusqu'à son abolition en 1848. "Le sucre se vend bien. Il y a des sucreries, des distilleries, on vit de ça", rappelle André Charpentier, l'actuel maire de la ville.

"A une période, l'esclavage a été très développé ici. Ensuite, les esclaves affranchis ont délaissé les plantations et sont arrivés les premiers travailleurs indiens des comptoirs de Madras ou Pondichéry. Il y a eu un brassage, nous avons aujourd'hui une population très métissée", dit-il.
Pour un hommage rendu à Aimé Césaire, la municipalité a retrouvé en 2005 un "arrêté d'affranchissement" de 1833 mentionnant le nom de l'un de ses ancêtres, sur le territoire d'une commune voisine.

Un travail de recherche que Césaire n'avait jamais fait lui même. "C'est quelqu'un qui a consacré sa vie aux autres. Ces gens là ont très peu de temps pour s'occuper d'eux-mêmes", suggère André Charpentier.

Dans son "Cahier d'un retour au pays natal", publié en 1939, il évoque son enfance à Basse-Pointe "dans une maison de bois pourri abritant quelques dizaines de rats et la turbulence de (ses) six frères et soeurs".

Le bourg rassemble alors une demi-douzaine d'"habitations", ces grandes propriétés terriennes qui emploient chacune plusieurs centaines de travailleurs qui vivent dans une extrême pauvreté. "Il côtoyait quotidiennement cette misère. Ce milieu d'+habitations+, ces gens vivant dans la misère, ont eu une grande influence sur son parcours. C'est là que sa réflexion a commencé", souligne le maire de Basse-Pointe.

Après des études à Fort-de-France et à Paris, Aimé Césaire placera le concept de "négritude" - l'affirmation de son identité noire - au coeur de son oeuvre poétique et deviendra un fervent militant de la décolonisation et de tous les combats contre le racisme.

Un message d'égalité et de justice sociale qui influencera plusieurs générations d'écrivains et d'intellectuels dans le monde.

A ce jour, sa ville natale ne compte pourtant aucune "Rue Césaire", aucune école à son nom. "C'est un homme d'une très grande discrétion, il ne l'aurait pas souhaité", souligne André Charpentier.

De sa maison natale, il ne reste plus qu'un pan de mur dans le quartier Eyma, au bout de l'ancienne voie ferrée qui servait en 1913 à acheminer la canne à sucre.

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