Mon fidèle parmi les fidèles, mon ami, mon frère, l'indomptable René Silo est parti jeudi et je suis inconsolable. Triste, triste à pleurer. C'est une partie de moi-même que j'ai perdue, de ce passé militant partagé avec lui, de ces moments exceptionnels de fraternité et d'amitié absolue.
J'avais quitté précipitamment la région où nous siégions en plénière pour le rejoindre en soins palliatifs. C'est comme si je sentais qu'il m'appelait et que je devais faire vite. Il ne répondait déjà plus à ses deux filles, à son épouse et à Katiana qui m'avait prévenu. En entendant ma voix, il est sorti de sa léthargie comme un miracle, a ouvert les yeux, m'a souri, m'a dit qu'il était content que je sois là et nous avons parlé quelques minutes, ses dernières minutes. Des mots précieux, volés dans un dernier sursaut à la mort qui se rapprochait. Au texto de Valérie Pécresse me demandant de l'embrasser, il a dit: "elle est formidable cette Dame". Cela a été ses derniers mots. Il a ensuite tourné la tête et est entré doucement dans un autre monde.
Je n'imaginais pas qu'il allait partir si vite.
Une semaine avant, il m'accueillait à Ris-Orangis chez Katiana qui partageait sa maladie depuis un an. Elle avait eu la délicatesse de s'éclipser pour nous laisser avec nos souvenirs.
Nous étions inséparables depuis un quart de siècle. Précurseur de l'influence ultramarine dans l'hexagone, il était un militant acharné pour le sport et les outre-mer. Il a été de tous mes combats, toujours à mes côtés au Collectifdom, à la délégation interministérielle, pendant le CIOM, au CREFOM que j'ai créé, à la région Île-de-France, avec Valérie Pécresse. Trop faible pour se déplacer, je lui avais dédié publiquement le chanté nwel de décembre 2023 qu'il manquait pour la 1ère fois. Nous avons longuement parlé cet après-midi-là, de son enfance à Trois-Rivieres, de la mort de sa mère, de cette femme qui l'avait prévenu en lui demandant d'arrêter de siffloter en rentrant de l'école, de son enfance tourmentée, de son parcours qui l'avait conduit dans l'hexagone, de ses engagements, de notre rencontre et de nos combats, de la médaille de la jeunesse et des sports que je lui avais remise, du comité des sages qu'il avait créé avec Henri Bortalis et Freddy Loyson pour trancher les querelles associatives. De mille choses.
En le voyant si fort, je ne pouvais pas imaginer qu'il ne lui restait qu'une semaine à vivre.
René est parti vers d'autres rives. Et je pense à lui, à ceux qu'il a laissé, aux milliers de jeunes qu'il a sauvé de la rue, aux centaines d'Antillais entrés à la RATP grâce à lui, à ces dizaines d'associations qu'il a soutenues. A nos compagnons de lutte.
Bon voyage vieux frère. Adan an dot soley!
Patrick Karam