lundi 25 octobre 2010

SUR LA LITTERATURE-MONDE.


On a proclamé cette exigence d’un roman-monde, d’une littérature-monde. C’est une généreuse absurdité. On peut trouver du roman-monde dans tous les siècles, en traces, en reflets, en poussières, en présences, et même en plénitude. Goethe déjà voulait écrire un grand roman sur l’univers. Mallarmé ambitionnait de passer des cristallisations des petits riens aux flamboyances du livre absolu. Toute grande œuvre à elle seule est un monde, et ce monde dit le Monde. Il y a un univers dans leYoknapatawpha de Faulkner. Il y a du Tout-monde dans ces douze heures urbaines qu’explore l’Ulysse de Joyce. Il y a tellement d’amplitude et d'audace et de totalité dans l’Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll… Et que dire du Macondo de Garcia Marquez ?... De plus, ce Tout-monde qui s’impose à nous, est déjà dans l’inextricable du grand dire narratif humain que nous n’avons même pas commencé à mettre en Relation pour en étudier les point de rencontres, les antagonismes solidaires, l’organisme indéfini, inextricable, que les plus fameux écrivains-voyageurs ont à peine soupçonné.

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L’exigence narrative contemporaine est non pas celle du roman-monde, d’une Word fiction,  mais justement de la nécessité de mettre à bas la fausse perception d’une unité du monde. Aller à une esthétique de la diversité, de l’incertain, de l’imprévisible, du chaos, du désordre, un peu comme le présentait Sterne dans son art de la digression incessante. C‘est l’idée de Relation qui donne à la diversité son indéfinissable unité, et qui aide à la rendre praticable dans l’incertain et le mouvant : le tremblement.Pour Glissant, l’exigence narrative contemporaine est de Relation.

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Donc ; l’orientation n’est pas de passer de l’unité nationale à l’unité mondiale, d’une unité culturelle à une diversité culturelle, voire une trans-diversité. Elle est de passer de la certitude à l’incertain, du voyage à l’errance, de l’ordre au chaos génésique, de la mesure à la démesure de toutes les démesures, du communautaire à l’angoisse fondatrice de l’individuation, de l’absolu de la langue au tout-possible du langage qui s’émeut de toutes les langues du monde, de la catégorie ou du genre artistique à des événements narratifs aussi complexes que l’impensable du monde, aussi impensables que l’impensable de l’univers, aussi imprévisibles que les voies à venir de l’humanisation.

Patrick CHAMOISEAU

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