lundi 30 juillet 2007

Maryse Condé et son île à mer !



maryse condéEt vient avec le temps, le moment où nos priorités évoluent, car notre vie est à accomplir et comme une page blanche, elle est à remplir tant que nos jours ne sont pas finis. Certes l’adolescence a passé entre mots et douleur, la jeunesse trépassé, à peine eut le temps de se retourner, que surgit la vieillesse, l’âge où l’on ressasse la fugacité qui s’en est allée.

Et vient le temps, où le grand âge entraîne la fragilité du corps et de l’esprit, et comme l’enfant l’être appelle à l’attention car il ne saurait être oublié, désormais il dépend.
C’est la réflexion qui m’est venue en écoutant l’interview accordée par Maryse Condé à RFO. Elle voulait partir en rasant les murs, discrètement, furtivement, mais elle fut rattrapée sur le pas de la porte, eut droit à son banquet. Honneur lui fut rendu à force de tu, amicalité et sourire ont présidé l’hommage.


Et j’écoutais une femme contuse, les yeux secs mais la voix embue de larmes expliquer que des raisons de santé et familiales l’obligeait à quitter la Guadeloupe définitivement. Elle est arrivée à un âge où elle exprime l’envie d’être avec ses enfants et petits-enfants, d’autant qu’elle était empreinte d’un sentiment d’abandon et de solitude. Désormais elle vivra à New York là où foisonne le monde, à Paris là où sont ses médecins, la Tunisie là où sont ses enfants, entre autres.


Elle ajoutait avec une émotion non feinte, que sur le plan humain la Guadeloupe fut pour elle une grande déception, n’ayant jamais pu se rendre utile, n’étant jamais sollicitée en rien et pour rien, les instances culturelles ne sont pas montrées intéressées.


Maryse Condé estime que la Guadeloupe n’a pas gagné de sa présence, imputant ce fait à son esprit critique qui n’a pas convenu aux « Guadeloupéens ».


Elle poursuit, disant qu’elle ne laisse rien, alors qu’elle a beaucoup pris, pas des gens, mais du pays qui lui parlait, de la nature, du vent, de la mer, de la montagne, une voix belle et puissante qu’elle a enregistrée et restituée.


Elle a pris peu des gens de ce pays laminé, de ces gens décervelés par la colonisation, qui se replient sur les traditions, ayant peur de l’avenir, infatués dans le passé, refusant la nouveauté et la création.


C’est le portrait peu amène qu’elle a dressé de son peuple lorsque notre Grande Dame de la littérature antillaise faisait ses adieux à la terre qui l’a vu naître, avec des paroles acrimonieuses, elle réglait ses comptes, du moins ce fut ressenti ainsi, telle que, et d’aucuns s’empressaient de clamer que Maryse Condé conculquait et insultait la Guadeloupe, du moins les Guadeloupéens. Des réactions hypostasiant les propos de Maryse Condé leur donnant une portée prégnante, en dépit des atténuations et de toute la déception que Maryse Condé manifestait au cours de cet entretien.


Les Antillais sont en permanence en butte aux dénigrements. Cette population soumise et dominée, est perpétuellement insultée, je relève deux exemples: «Quand je discute avec un grand nombre ( échantillon représentatif de mes cons citoyens martiniquais, je me dis que leur cerveau tourne autour du resto, coco, ciné (surtout pas d'auteurs). C'est en grande majorité des crétins ( toutes catégories "sociodermique" confondues) qui se croient culturellement évolués parce que leur île est plus riche ( en quoi ?) qu'Haïti.


Et pour finir, leur définition de la culture c'est : accras, boudin, matoutou, zouk et tout le reste (yoles, bèlè, mazouk, biguine, créole, carnaval), c'est de la tradition. » J’ai relevé ces propos sur BMJ, ils sont en date du 16.07. 2007, ce qui vaut pour les Martiniquais vaut pour les Guadeloupéens.


Le deuxième exemple est tiré du livre : Terreur noire à la Guadeloupe de Corneille Bazile, l’édition que j’ai en main date de 1976, mais je ne saurais dire si l’ouvrage a été écrit à ce moment (1) : « Le bonheur d’autrui est un spectacle qui dessèche et dévore les habitants de la Guadeloupe. La seule chose qui leur fait supporter leur vie étroite, c’est le sinistre plaisir d’arracher toute poésie à la vie de leurs voisins. Et pour cela ils emploient tous les moyens. En l’occurrence ils deviennent professeur de mal… On dirait qu’ils ressentent la plus grande jouissance à faire le mal. Ils rayonnent de joie quand ils ont désuni un ménage, quand ils ont semé le mal dans une famille, quand ils ont mis quelqu’un dans l’incapacité de travailler, enfin quand ils ont fait couler des larmes. Ils se nuisent avec habilité et avec finesse. »


Les paroles de Maryse Condé se surajoutant à tellement d’autres de même acabit, font qu’elle se décrédite et nous salit. Non, pas elle pour qui « nous » avons une tendresse toute particulière ! Ce n’était pas à cette voix autorisée à darder son « peuple », mais une voix à témoigner et à porter son « peuple ».

grand-anse - deshaies - le marigot - guadeloupe
photo de Jean S. Sahaï


Contrairement à ce qu’elle dit, Maryse Condé a apporté beaucoup à la Guadeloupe, à la Martinique, et pas seulement à nous Antillais. Elle n’avait pas besoin d’être en représentation permanente, il suffisait qu’elle écrive.

Puis ceux qui l’auront bloqué, qui sont-ils, des êtres pénétrés de leur grandeur éphémères qui tantôt redeviendront des êtres insignifiants, sitôt que, alors que madame Maryse Condé, son œuvre la perpétuera.

Nul besoin qu’elle soit amère ou aigrie, qu’elle prenne conscience de sa réelle dimension.


Je témoigne à madame Maryse Condé toute ma sympathie et lui accorde tout mon soutien dans l'épreuve à laquelle elle doit faire face. Je lui souhaite un prompt rétablissement.


(1) In the~Corneille Bazile, La Terreur iVoire & la Guadeloupe, Pointe-~-Pitre, 1925, p. 10. 496 (Information apportée par Jean Sahaï qui répondait à mon interrogation concernant la date de la première édition du livre de Corneille Bazile.

Tony Mardaye

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