Blog dédie au poète Aimé Césaire notamment à son oeuvre, sa poésie et collectant les articles qui ont été publiés sur ce grand homme martiniquais
mardi 10 novembre 2009
Cent poèmes de Aimé Césaire. Edition établie par Daniel Maximin
Cent poèmes de Aimé Césaire. Edition établie par Daniel Maximin. Edition Omnibus, 2009, 216 pages :
Le poète par lui-même et par... Daniel Maximin
Le poète guadeloupéen Daniel Maximin coordonne, depuis les années 1980, l’édition de la poésie de Aimé Césaire. Il vient de publier une anthologie de cent poèmes essentiels, configurée thématiquement et illustrée par des photographies qui rappellent le parcours et les affinités électives du poète défunt. Un album à feuilleter, à lire et à préserver dans nos musées personnels.
On connaît la fidélité de Daniel Maximin à Aimé Césaire. La fidélité admirative d’un poète à son aîné. Celle d’un fils spirituel aussi. Enfin, Maximin est sans doute l’Antillais qui connaît le mieux l’œuvre littéraire et profondément militante du grand poète martiniquais et universel, disparu en 2008, à l’âge canonique de 95 ans. Césaire, qui connaissait l’érudition et le talent de son jeune compère et compatriote, qu’il avait eu l’occasion de voir à l’œuvre dans des salons et des colloques consacrés à ses écrits, lui avait demandé dès les années 1980 de coordonner sa poésie. Depuis, Daniel Maximin poursuit inlassablement son travail de mise en lumière de la parole poétique césairienne qu’il qualifie de «parole essentielle». Et d’expliquer : «Et pour cet homme de paroles, maître de l’oralité autant que de l’écriture, c’est en définitive surtout la poésie qui constitue sa «parole essentielle», réunissant les héritages culturels de trois continents, et qui en fait à coup sûr un des grands poètes de ce siècle, dont l’exemple et la lecture donnent à nous tous, ses lecteurs de par le monde, «la force de regarder demain».»
Cent poèmes de Aimé Césaire qui est paru cette année s’inscrit dans le vaste travail que Maximin a entrepris pour mieux faire connaître la parole poétique césairienne, en l’éclairant sous des angles différents. L’angle choisi pour l’ouvrage en question est thématique : «Un album où se conjuguent les thèmes majeurs de Aimé Césaire : la Caraïbe natale, la décolonisation des peuples et des esprits, la modernité poétique, l’engagement politique, l’amour, la liberté, qui ont fait de lui l’un des plus importants poètes du XXe siècle», peut-on lire sur la fiche de présentation de l’éditeur. Intitulées «Ouvertures», «Poétique», «Histoire», «Iles», «Géographie cordiale», «Afriques», «Elles», «Présences», «Portrait Parcours», les neuf séquences thématiques qui ordonnent le livre se veulent les étapes d’un parcours de construction identitaire et spirituel. Un parcours semé de découvertes exceptionnelles sur le monde et soi-même, dont la poésie césairienne, présentée dans l’ordre chronologique, restitue l’atmosphère quasi-mystique, comme dans ce chapitre consacré à l’Afrique : «Et subitement l’Afrique parla/ce fut pour nous an neuf/l’Afrique selon l’us/de chacun nous balaya le seuil d’une torche enflammée/reliant la nuit traquée/et toutes les nuits mutilées/de l’armée marée des nègres inconsolés/au plein ciel violet piqué de feux.»
Enfin, ce qui fait l’originalité de ce volume, ce sont les illustrations : photographies puisées dans l’album personnel du poète et reproductions de tableaux de Wilfredo Lam, l’artiste frère. Chaque séquence s’ouvre sur un tableau de Lam au titre évocateur et surréel («Femme aux oiseaux», «Le chant des osmoses», «Marcheuse des îles», «Lumières de la forêt»...). A travers leurs couleurs lumineuses, leurs formes souvent géométriques et la configuration suggestive de leurs éléments constitutifs, ces tableaux entrent en résonance avec l’univers poétique césairien, établissant un réseau de sens qui va du poète à l’artiste, de l’écrit aux traces et coloris. Mais peut-être plus que les tableaux de Lam, ce sont les illustrations de paysages caribéens -qui ont été, on le sait, des sources d’inspiration importantes pour Césaire- qui révèlent combien cette poésie est réellement universelle, puisant son matériau non seulement dans les parcours hu-mains, mais aussi dans le végétal, le volcanique et le géologique. Elle relie la parole aux parois résistantes de la matière qui la renvoie à son tour en échos à travers les éléments, commandant «aux îles d’exister».
Tirthankar CHANDA ((Mfi)
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