dimanche 29 novembre 2009

Une saison au Congo de Césaire: Lumumba, tragédie actuelle



Une saison au Congo du Martiniquais Aimé Césaire a été présentée, avec succès, samedi à Tunis, par les comédiens du Théâtre national Daniel Sorano. C'est dans le cadre des Journées théâtrales de Carthage qui se tiennent du 11 au 22 novembre 2009.

(Envoyée spéciale à Tunis) - La troupe dramatique de Sorano a présenté samedi aux Journées théâtrales de Carthage la pièce d'Aimé Césaire, Une Saison au Congo, d'après une adaptation de Seyba Traoré. Dès l'entame, une voix-off campe le décor. On est en 1960. Le Congo (Zaïre) vient d'obtenir son indépendance sur décision du roi des Belges, cédant aux exigences des leaders politiques du pays, tel Patrice Lumumba. L'euphorie des indépendances est perceptible dans tout le Congo. On trinque à la liberté.

Le morceau ‘Indépendance Cha Cha’ du musicien congolais Joseph Kabasele sert à la fois de fond sonore à la pièce et de slogan pour le peuple. La mise en scène de Seyba Traoré est essentiellement centrée sur le personnage de Patrice Lumumba. Récemment nommé Premier ministre, il tente d'apaiser les ardeurs irrédentistes. ‘Oublions nos rivalités et nos ambitions particulières et dominons nos querelles tribales’, lance-t-il à ses compatriotes. Le leader congolais veut ‘un Congo libre et unis’. Son pays est miné par des dissensions internes. Des velléités séparatistes le guettent, à l’image du Katanga, région riche en ressources naturelles. Les richesses minières et énergétiques du Congo sont pillées sans vergogne par les puissances étrangères, symbolisées sur scène par des hommes masqués, habillés en costumes et rodant la nuit, munis de torches. Cette atmosphère préfigure le chaos dans lequel le pays va bientôt basculer. Le colonel Mobutu se proclame Premier ministre, en direct sur les ondes. Lumumba apprend la nouvelle en même temps que le peuple, resté, lui, en marge des événements.

La pièce passe ensuite directement à l’intervention des Casques bleus. La demande d’aide de Lumumba au Ghanéen Nkrumah reste sans suite. Le leader congolais sera ensuite arrêté. A-t-il été exécuté ? Par qui ? La pièce ne donne pas de précisions sur la fin de l'homme politique congolais. Mais sur les planches le personnage de Patrice Lumumba reste debout, la chemise tachée de sang. Le fantôme du leader congolais semble toujours hanter ce pays ruiné par les guerres civiles. Presque cinquante ans après son indépendance, la situation du Congo n'a pas beaucoup changé. Les vautours et les démons de la violence rodent encore. C'est pourquoi le texte du poète martiniquais, Aimé Césaire, écrit en 1967, garde toute sa force et son actualité.

Patrice Lumumba (1925-1961) est interprété par le comédien sénégalais Ibrahima Mbaye qui a su faire ressortir toute la dimension tragique de la pièce. Dans l'ensemble, les comédiens de Sorano ont tiré leur épingle du jeu. Si l'on sait que durant toute la représentation (1 heure 45), il leur a fallu un effort supplémentaire de concentration pour ne pas être perturbés par les nombreuses entrées et les sorties des spectateurs passant parfois au milieu de la scène ! Le cadre, le Théâtre Etoile du nord de Tunis, était visiblement inadapté à la représentation de la pièce.La salle a cependant apprécié le romantisme révolutionnaire d'Une Saison au Congo, pièce jouée en français. Bien que majoritairement arabe, le public a été touché par le jeu juste des comédiens sénégalais. Les Tunisois connaissent d'ailleurs bien le héros congolais, dont une rue de la ville porte son nom.

Fatou K. SENE

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