jeudi 4 juin 2009

Un centenaire se souvient. André Aliker.



Né en 1909 au Lorrain à la Martinique, Gabriel Henry a bien connu André Aliker.

Né à l’aube des années 1900, Gabriel Henry fut, avec Georges Gratiant, Thélus Léro, Victor Portel et Victor Lamon, un des fondateurs du Front commun en 1935. L’année suivante, cette création se transforma en « Région communiste de la Martinique ». Durant les années 1950, Gabriel Henry a fait feu de tout bois en étant professeur d’anglais au lycée Schoelcher, président de l’équipe de foot du Golden Star, journaliste et rédacteur en chef de Justice, et secrétaire fédéral de la Fédération communiste de la Martinique. Il fut de la première équipe municipale communiste, élue en 1946 à la mairie de Fort-de-France, aux côtés d’Aimé Césaire dont il fut le troisième adjoint, de Georges Gratiant et du docteur Pierre Aliker. Depuis la fin des années 1950, Gabriel Henry habite Toulon. Aujourd’hui, la maison de retraite qui l’abrite doit s’enorgueillir d’avoir, dans ses murs, ce centenaire encore vert qui a gardé toute sa tête. Avec sa conviction, et sous l’étiquette communiste, le centenaire a vu défiler le siècle.

Et c’est la voix claire, et sûr des dates, que Gabriel Henry fait remonter ses souvenirs. Son père, adhérent au groupe Jean-Jaurès, de tendance communiste, et ami du président du Groupe, qui était aussi le directeur du journal Justice. Celui-ci lui présenta le gérant du journal, André Aliker. « Le hasard a voulu que je remplace, pour un an, au lycée Schoelcher, un professeur d’anglais qui partait en congé administratif. Quelque temps après, j’ai été purement et simplement congédié. Jeté au chômage. Aliker, à ce moment-là, a écrit deux articles dans Justice pour défendre Gabriel Henry, soutien de famille. » D’avoir été défendu par le fameux homme-orchestre de Justice, qui n’avait de cesse de révéler dans son journal l’importante fraude fiscale dont s’était rendu coupable le béké Aubéry, n’était pas rien.

Cela se passait en 1932. En 1933, le combat paye. Gabriel Henry est embauché au lycée comme répétiteur et professeur adjoint. Il s’en souvient bien. Tout comme il se souvient du 1er janvier 1934. « Ce jour-là, André Aliker est jeté en haute mer. Mais il arrive à s’en tirer. Le 7 janvier, loin de dramatiser la situation, il évoque ses craintes et ses doutes auprès de ses amis. Le 12 janvier, à 7 heures du matin, la rumeur court à Fort-de-France que le corps d’André Aliker a été retrouvé à Fond-Bourlet, Case-Pilote. Je trouve une voiture et file sur les lieux. Sur place je vois le cadavre, ligoté des pieds à la tête. » Aujourd’hui encore, Gabriel Henry ne peut oublier cette image. « C’est pendant que j’étais là que les forces de police ont emmené le corps. »

Pour le vieux monsieur centenaire, Aliker était un bon vivant. Sympathique. « Quand j’ai appris la nouvelle, et que j’ai vu son cadavre, ça m’a fait un choc. D’autant qu’il était mon ami. » Le matin du 12 janvier 1934 n’a pas été un jour comme les autres pour Gabriel Henry. « On savait, dit-il, que l’assassinat d’Aliker était l’oeuvre d’Aubéry. Il avait réduit le journaliste au silence parce qu’il n’avait pu le corrompre. »

« Ils n’ont pas pu me corrompre, ils m’ont assassiné ! » Écrite sur sa tombe, cette phrase est d’André Aliker, assure Gabriel Henry. « C’est un crime qui a choqué les Martiniquais. Car Aliker était aimé du peuple. » Selon le vieux monsieur, son franc-parler plaisait. Surtout lorsqu’il prenait la défense des plus défavorisés. Pour Gabriel Henry, « le crime est resté impuni ». Et le procès, à Bordeaux en 1936, n’a fait qu’entériner la volonté du pouvoir de ne pas inquiéter les coupables.

Gabriel Henry est, selon l’historien Armand Nicolas,

le premier Martiniquais

à avoir parlé du 22 mai comme étant la date où les esclaves ont gagné leur liberté.

Fernand Nouvet

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