Discours de Georges Erichot, Secrétaire général du PCM
mercredi 28 octobre 2009
Il m’est donné, en tant que représentant du Parti Communiste Martiniquais, d’être le premier à prendre la parole au nom des partis politiques, à l’occasion de ce premier meeting du Rassemblement Martiniquais pour le Changement.
Est-ce une reconnaissance ? En tout cas, je le ressens comme tel, et j’éprouve une joie immense en ce jour qui marque la concrétisation de ce rêve caressé depuis si longtemps par mon Parti, rêve de voir la gauche authentique, les démocrates et les forces de progrès, mettre de côté leurs divergences, et se rassembler sur l’essentiel, pour mener ensemble ce combat si exaltant et tenter de sortir notre pays de la dramatique situation dans laquelle il s’enfonce chaque jour d’avantage.
En disant cela, je pense à tous ces militants anticolonialistes, communistes pour la plupart, qui ont si chèrement payé pour leur engagement contre tous les méfaits du colonialisme et du capitalisme ainsi que pour l’émancipation du peuple martiniquais.
Un long chemin parcouru
André Aliker, assassiné en 1934 pour avoir dénoncé la gigantesque fraude fiscale organisée avec la complicité de l’administration coloniale.
Camille Sylvestre déchu de ses droits civils politiques pour avoir réclamé le droit des Martiniquais à gérer leurs propres affaires.
Militants syndicalistes emprisonnés pour s’être engagés dans les luttes sociales aux côtés des travailleurs afin d’arracher des mains des gouvernements de droite les avantages sociaux dont leurs relais locaux se prétendent être aujourd’hui les plus grands défenseurs.
Armand Nicolas, Georges Mauvois, Walter Guitteaud, Guy Dufond ont eu à subir les foudres du pouvoir colonial à travers l’ordonnance scélérate de 1960.
Que de chemin parcouru depuis leur 11ième Conférence fédérale, les 6 et 7 août 1955 où les Communistes, moins de 10 ans seulement après s’être battus pour la départementalisation, reconnaissaient que l’assimilation niait “le caractère colonial de notre pays, masque l’oppression et de ce fait désarmait les masses populaires”.
Et de réclamer déjà, en 1955, “la participation plus large des Martiniquais à la gestion de leurs propres affaires”. Mais notre réflexion ne s’arrêta pas là puisque le 24 février 1960 notre Parti adopta un projet de nouveau statut pour la Martinique, “territoire fédéré à la République française”, c’est-à-dire l’Autonomie.
Ceux qui s’étaient engagés dans ce combat étaient présentés par les assimilationnistes comme “des traîtres à la mère patrie”.
Que de chemin parcouru puisque depuis sa révision de 2003, l’article 74 de la Constitution française nous reconnaît le droit de revendiquer “un statut qui tient compte des intérêts propres de chacun des territoires au sein de la République”.
Une longue liste de reniements
Que de chemin parcouru, mais aussi que d’obstacles, de pièges, de reniements restant à surmonter.
Reniements de ceux qui, au Congrès ont voté pour le passage à l’article 74 et qui se présentent comme les victimes d’on ne sait quelle pression pour leur arracher leur vote.
Reniement, une fois de plus, des dirigeants de cet autre parti qui, chaque fois que cette autonomie dont ils prétendent en être les pères est à portée de main reculent. En 1981 ils ont décrété le moratoire et aujourd’hui ils proposent la “troisième voie d’une autonomie constitutionalisée”, appelant ouvertement à voter contre l’article 74, le seul qui permet d’accéder à l’autonomie. Ils signent de fait un accord avec les oxydés de la droite conservatrice, prenant le risque d’enfermer quasi définitivement notre pays dans le cadre de l’article 73, privant nos Elus de ce véritable pouvoir de décision qui leur donnerait les moyens de mettre en œuvre une politique nouvelle. Car, il est tant de sortir de ce millefeuille institutionnel synonyme de paralysie, d’impuissance et de gaspillage.
La fin d’un cycle
Après l’abolition de l’esclavage en 1848, la départementalisation-assimilation en 1946, la régionalisation en 1982, nous voilà arrivés à “la fin d’un nouveau cycle historique”, comme le reconnaît enfin le président de la République lui-même.
Comment, après tant d’échecs de tous ces plans de développement qui nous ont été imposés, comment aujourd’hui, face à une situation aussi dramatique, peut-on vouloir persister à s’enfermer dans le cadre de cet article 73 qui ne permet d’accéder qu’à quelques miettes de compétences nouvelles, pour une durée de deux ans et au prix d’un parcours législatif digne de celui d’un combattant et dont l’issue n’est jamais certaine ?
Les ennemis de toujours
L’histoire de notre pays est jalonnée de tentatives désespérées de ceux qui se sont toujours opposés aux moindres changements qui ont amélioré le sort de notre peuple.
Ce sont ceux-là qui, en 1848 avaient tenté de persuader les esclaves d’attendre que leurs bons maîtres veuillent bien leur accorder la liberté.
Ce sont ceux-là qui, en 1946 se battaient contre la départementalisation et l’égalité des droits voulues par les communistes, s’étaient opposés à l’instauration de la Sécurité sociale. Aujourd’hui, ils se présentent sans vergogne, comme étant les plus ardents défenseurs des acquis sociaux qu’ils ont tant combattus.
Ce sont ceux-là mêmes encore qui, en 1982, présentaient la régionalisation et le projet d’assemblée unique comme l’antichambre de l’indépendance.
Esclavagistes hier, néocolonialistes et profiteurs d’aujourd’hui qui ont fait fortune dans cette économie d’import consommation, alliés à la grande bourgeoisie française, ils entendent perpétuer ce système de néo-colonie départementale qui leur convient si bien.
A chaque rendez-vous de notre pays avec son histoire, par réflexe de classe, ils s’attachent désespérément au passé et à leurs privilèges et ne finissent par accepter le changement qu’après avoir vérifié qu’il ne touche en rien à leurs privilèges. Ils ont pu retarder notre marche en avant, mais ils ne sont jamais parvenus à l’arrêter !
En réalité, ils ont toujours un retard sur le train de l’histoire !
Les autres mystifications
Et que dire de ceux qui, par un calcul machiavélique, nous proposent une soi-disant période d’expérimentation dans le cadre de l’article 73, en nous promettant d’obtenir une nouvelle révision de la Constitution, puis de passer à l’autonomie dans 6 ans ou aux calendes grecques, espérant que le temps aura déjà éloigné de la scène publique les deux principaux porte drapeaux de notre combat pour l’autonomie, à savoir Claude Lise et Alfred Marie-Jeanne.
Calcul sordide, calcul cynique, calcul machiavélique de ceux qui prétendent être les dépositaires de la pensée si humaniste d’Aimé Césaire !
Pas question d’attendre plus longtemps
Mais camarades et amis, il n’est plus possible d’attendre, car il y a le feu dans la maison. La crise sociale et sociétale de février-mars dernier, que les adversaires du changement présentent comme étant responsable de la débâcle économique actuelle n’a été en fait que le révélateur de ce ras le bol profond vécu dans presque toutes les couches sociales de la population.
Chômage massif, faiblesse chronique de l’économie, pauvreté et exclusion en hausse, jeunesse à la dérive, grignotage et empoisonnement de nos terres agricoles, ravages d’une défiscalisation mal conçue, dépossession par les Martiniquais de leur patrimoine, génocide par substitution, problème des 50 pas géométriques, de la cherté de vie ou des transports…etc.
Nous voilà plongés dans une situation lourde de dangers pour l’avenir et de laquelle il nous faut absolument sortir.
C’est pourquoi le Rassemblement Martiniquais pour le Changement qui regroupe l’ensemble des forces et des personnalités de progrès favorables à l’autonomie est passé à l’offensive.
D’abord sur la base d’une argumentation claire, précise et objective pour combattre la campagne de peur amplifiée ces temps-ci par les adversaires du changement, pour réfuter point par point les arguments mensongers qu’ils continuent de distiller dans la population sur la perte des avantages sociaux où la perspective de l’indépendance.
Leur acharnement est tel qu’ils vont jusqu’à mettre en doute la parole de leur chef, Nicolas Sarkozy, qui en maintes circonstances a clairement situé les enjeux de la prochaine consultation en déclarant notamment le 29 juin 2009 que “Le débat.... n’est donc pas celui de l’indépendance… mais du juste degré d’autonomie, Celui de la responsabilité”. Les voilà qui, en dépit des mises en garde du président de la République, se sont remis à souffler sur les brasiers de la peur.
Camarades, amis, nous avons suffisamment d’arguments pour faire mentir les pseudo sondages, pour démystifier les craintes, rassurer nos compatriotes, les convaincre de l’impérieuse nécessité de nous donner collectivement les moyens de peser sur notre avenir en disposant de plus de plus de pouvoirs.
Car nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous n’avons pas le droit de manquer ce rendez-vous historique.
Ceux qui prônent le statu quo et qui n’ont de projet que la satisfaction de leurs ambitions personnelles ou la défense des intérêts de ceux qui dominent l’économie du pays, en se contentant d’une politique d’assistanat (en régression d’ailleurs), prennent une lourde responsabilité face aux générations présentes et avenir en leur faisant croire que la France continuera indéfiniment à nous donner le biberon.
L’Autonomie : un moyen, pas une fin
L’accession à une certaine l’autonomie, que seul permet le passage à l’article 74, n’est pas pour nous une fin en soi, mais un moyen de disposer des pouvoirs législatifs et réglementaires pour mettre en œuvre une véritable politique de développement endogène, durable et de justice sociale.
Une politique qui devra s’appuyer sur les forces vives du pays pour satisfaire d’abord les besoins de notre population, réduire cette dépendance si dangereuse vis-à-vis de l’extérieur, s’attaquer aux intolérables injustices et aux inégalités, et offrir de réelles perspectives à notre jeunesse.
Passer à l’offensive
L’heure n’est donc plus aux hésitations, Camarades, passons donc à l’offensive.
Unis nous sommes plus forts. Dans l’unité, marchons vers la victoire pour une Martinique au travail et responsable au sein d’une République française qui semble enfin reconnaître notre droit à la différence.
Pour sa part, le Parti communiste est décidé à participer pleinement à ce combat pour l’émancipation politique et sociale de notre peuple !
Vive le rassemblement martiniquais pour le changement ! En avant pour l’autonomie ! Travaillons à convaincre nos compatriotes de la nécessité de passer à l’article 74.
Blog dédie au poète Aimé Césaire notamment à son oeuvre, sa poésie et collectant les articles qui ont été publiés sur ce grand homme martiniquais
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