Blog dédie au poète Aimé Césaire notamment à son oeuvre, sa poésie et collectant les articles qui ont été publiés sur ce grand homme martiniquais
vendredi 21 mai 2010
Vieillir
Martinique
Texaco
Le bus abandonné
Photographie: Christine Le Moigne-Simonis
Vieillir
dans l'agonie des roses
et des matin sans gloire
dans l'orgueil des sources
racoleuses de vies
dans la mousse tressant
une couronne de veuve
à la souche oubliée
en marge du sentier
José Le Moigne
Plourarc'h
22 mai 2010
mercredi 19 mai 2010
Le Pays
En descendant des Monts d'Arrée
Photographie: Christine Le Moigne-Simonis
Le Pays
Ceci est mon pays
et ceci est ma terre
terre sacrée où mes pas
ont tracé sur la glaise
l’amorce d’une route
où mon incomplétude
se nourrit de l’absence
des sables volcaniques
de mon premier pays
©José Le Moigne
Carhaix
18 mai 2010
Bretagne
mardi 18 mai 2010
Aimé CESAIRE/ LA NEGRITUDE (Conférence aux USA le 26.02.1987)
Un discours d’Aimé Césaire
Retour sur un discours prononcé aux États-Unis le 26 février 1987, dans le cadre de la Conférence hémisphérique des peuples noirs de la diaspora.
La Négritude, une révolte nécessaire contre le sentiment européen de supériorité
La Négritude résulte d’une attitude active et offensive de l’esprit.
Elle est sursaut, et sursaut de dignité.
Elle est refus, je veux dire refus de l’oppression.
Elle est combat, c’est-à-dire combat contre l’inégalité.
Elle est aussi révolte. Mais alors, me direz-vous, révolte contre quoi ? Je n’oublie pas que je suis ici dans un congrès culturel, que c’est ici, à Miami, que je choisis de le dire. Je crois que l’on peut dire, d’une manière générale, qu’historiquement la Négritude a été une forme de révolte d’abord contre le système mondial de la culture tel qu’il s’était constitué pendant les derniers siècles et qui se caractérise par un certain nombre de préjugés, de pré-supposés qui aboutissent à une très stricte hiérarchie. Autrement dit, la Négritude a été une révolte contre ce que j’appellerai le réductionnisme européen.
Je veux parler de ce système de pensée ou plutôt de l’instinctive tendance d’une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même pour faire le vide autour d’elle en ramenant abusivement la notion d’universel, chère à Léopold Sédar Senghor, à ses propres dimensions, autrement dit à penser l’universel à partir de ses seuls postulats et à travers ses catégories propres. On voit et on n’a que trop vu les conséquences que cela entraîne : couper l’homme de lui-même, couper l’homme de ses racines, couper l’homme de l’univers, couper l’homme de l’humain, et l’isoler, en définitive, dans un orgueil suicidaire, sinon dans une forme rationnelle et scientifique de la barbarie.
Mais, me direz-vous, une révolte qui n’est que révolte ne constitue pas autre chose qu’une impasse historique. Si la Négritude n’a pas été une impasse, c’est qu’elle menait autre part. Où nous menait-elle ? Elle nous menait à nous-mêmes. Et, de fait, c’était, après une longue frustration, c’était la saisie par nousmêmes de notre passé et, à travers la poésie, à travers l’imaginaire, à travers le roman, à travers les œuvres d’art, la fulguration intermittente de notre possible devenir.
Tremblement des concepts, séisme culturel, toutes les métaphores de l’isolement sont ici possibles. Mais l’essentiel est qu’avec elle était commencée une entreprise de réhabilitation de nos valeurs par nous-mêmes, d’approfondissement de notre passé par nous-mêmes, du ré-enracinement de nous-mêmes dans une histoire, dans une géographie et dans une culture, le tout se traduisant non pas par un passéisme archaïsant, mais par une réactivation du passé en vue de son propre dépassement.
Littérature, dira-t-on ?
Spéculation intellectuelle ?
Sans aucun doute. Mais ni la littérature ni la spéculation intellectuelle ne sont innocentes ou inoffensives. Et, de fait, quand je pense aux indépendances africaines des années 1960, quand je pense à cet élan de foi et d’espérance qui a soulevé, à l’époque, tout un continent, c ’ e s t v r a i , j e p e n s e à l a Négritude, car je pense que la Négritude a joué son rôle, et un rôle peut-être capital, puisque cela a été un rôle de ferment ou de catalyseur.
Que c e t t e reconquête de l’Afrique elle-même n’ait pas été facile, que l’exercice de cette indépendance nouvelle comportait bien des avatars et, parfois, des désillusions, il faudrait une ignorance coupable de l’histoire de l’humanité, de l’histoire de l’émergence des nations en Europe même, en plein XIXe siècle, en Europe et ailleurs, pour ne pas comprendre que l’Afrique, elle aussi, devait inévitablement payer son tribut au moment de la grande mutation.
Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que l’Afrique a tourné la page du colonialisme et qu’en la tournant elle a contribué à inaugurer une ère nouvelle pour l’humanité tout entière.
SOURCES :
Extrait du discours sur la Négritude dans « Discours sur le colonialisme ». Éditions Présence africaine.
http://www.humanite.fr/Un-discours-d-Aime-Cesaire
http://www.youtube.com/watch?v=Mok1XYQ-p3Y
lundi 17 mai 2010
Islam, Négritude et culture arabe : acculturation ou assimilation critique ?
La sacralisation de la langue arabe a contribué à l’expansion de l’islam et vice versa. Avec la colonisation française, l’enseignement de cette langue, son usage, ainsi que sa promotion vont se muer en véritable enjeu politique. Ne concernant qu’une certaine élite - princes et riches commerçants - et marginal à ses débuts, la conversion des Africains à l’islam, connut un accroissement exponentiel dès les premières années de la conquête coloniale française.
Dans le cadre précis du Sénégal, résister à la colonisation signifiait aussi un rejet de la culture qu’elle véhiculait et forcément la langue qui en était le support : le français.
Rappelons qu’après l’effondrement des résistances armées menées par la chefferie locale Ceddo, ce sont les marabouts qui prirent le relais. Leur résistance sera, plutôt, d’ordre culturel ; un moyen de trouver une alternative à la politique d’assimilation menée par le colonisateur, pour ne pas y céder. Dans ce contexte, l’arabe va être, pendant longtemps, privilégiée par les lettrés musulmans, d’une part, en ce qu’elle est la langue du coran et, de l’autre, par son côté alternatif et libérateur du joug - au moins culturel et linguistique - colonial.
Le français, quant à lui, avait du mal à se débarrasser de son étiquette de langue de la colonisation, avec tout ce que cela impliquait pour son image. Tourner le dos à la langue française avait, alors, deux significations, politique et religieuse : résister à une domination culturelle et affirmer sa foi en l’islam.
Pour mieux comprendre cette attitude, rappelons que la langue française est longtemps restée un symbole de domination culturelle. Cela a fini par être la cause d’amalgames, loin d’être naïfs, sur le plan linguistique. Ainsi, "français" se dit en Wolof "nasarân" (de l’arabe nasrânî = nazaréen, chrétien ). Dans les perceptions, le français était conçu comme étant aux antipodes de la religion musulman. La langue arabe, elle était devenue un refuge et une alternative à la colonisation et à sa politique culturelle basée sur le principe d’assimilation de l’indigène. Ce phénomène était beaucoup plus perceptible en Afrique noire francophone. A la différence des Anglais qui avaient opté pour l’indirect rule, sans aucune volonté de façonner culturellement colonisé, la France a toujours cru être investie d’une mission « civilisatrice » qui passerait obligatoirement par l’assimilation des peuples sous sa domination.
Ainsi, en refusant la domination de la langue et de la "culture française", les Sénégalais, surtout musulmans, ont donné libre cours à une autre : celle de la langue arabe support de la "civilisation musulmane". Cependant, se considérant comme membre à part entière de la ’Ummah islamique, cette communauté d’identification transnationale, ils sont, peut-être, moins conscients des effets de cette autre domination incorporée, ou, en tout cas forte influence sur les cultures locales.
Tout était fonction des perceptions, des visions et des enjeux de l’heure. cependant, il ne faudrait pas perdre de vue les antécédents historico-culturels ayant favorisé la promotion de l’arabe et facilité son adoption par les Noirs africains musulmans.
Le commerce transsaharien qui s’est développé dès le Moyen-Age se servait de l’arabe et de son alphabet pour faciliter les échanges entre commerçants africains et arabes. D’ailleurs, Khalîl al-Nahwî, remarque que l’impact de l’arabe sur les langues africaines est plus sensible dans le champ lexical du commerce (poids, mesures, temps etc.), ou encore de la perception, forcément religieuse, du monde et de l’univers. Il en sera, largement, de même pour le vocabulaire religieux ; l’arabe étant la principale sinon la seule langue liturgique des musulmans. Ce fait sacralisant sera certainement à l’origine de l’importante production littéraire en arabe et en ’ajami (textes en langues locales transcrites avec l’alphabet arabe enrichi de signes diacritiques pour les sonorités étrangères à l’arabe). Les chefs religieux sénégalais ont rédigé en arabe leurs odes apologétiques dédiées au prophète MuÎammad, comme il est d’usage dans la tradition soufie. D’autres marabouts, par un souci de vulgarisation de l’islam et de son message, ayant une parfaite intelligence de la société sénégalaise et de son mode de fonctionnement, vont être plus créatifs.
Bien que maîtrisant, parfaitement les règles de la prosodie arabe (al-’arûd) et ses mécanismes, des cheikhs vont produire d’importantes œuvres en wolof transcrites avec l’alphabet arabe. Cheikh Moussa Kâ, disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides, en était l’un des plus remarquables.
Dans les travaux effectués par Saliou Kandji et Vincent Monteil1, en répertoriant les mots empruntés à l’arabe dans les parlers locaux, on note la prédominance du vocabulaire religieux et des termes ayant trait à l’existence et à l’univers. Si nous avons fait ce détour, c’est pour essayer d’expliquer le caractère sacralisé de l’arabe, en tant que langue et civilisation, chez les Sénégalais. Cette conception sera déterminant dans le débat ou querelle idéologique sur le rapport de l’Africain à l’islam ainsi que sa place dans cette communauté transnationale.
Ainsi, la question (taboue) suivante brûle les lèvres : les Africains musulmans sont-ils des déracinés ?
"Lorsque l’intellectuel africain parle de l’islam, sa main tremble", disait un averti des réalités du continent. Il s’est lancé un vaste débat sur la manière dont la langue arabe s’est "imposée" en Afrique noire. Est-ce une autre domination culturelle comme c’est le cas pour le français ou une acceptation, ne serait-ce qu’inconsciente, de la part des populations locales ? Les réponses sont multiples et divergentes voire contradictoires. Mais nous maintenons l’hypothèse d’une adaptation sociologique au sens où la culture arabe, par le biais de l’islam a réussi là où celle française n’a eu que de peine à percer bien que la langue de Molière soit, aujourd’hui, celle de l’administration et de l’école dans la plupart de ces Etats Ouest-africains.
Des intellectuels africains, influencés par les thèses de la négritude, contestent, de manière, quelques fois hystérique, une quelconque possibilité pour les Africains de s’identifier à l’islam et à son dogme unitaire. Pour ces intellectuels, l’islamisation n’est qu’une autre forme de domination culturelle qui ne dit pas son nom. Cette vision néglige un fait culturel ; celui de l’appropriation faite par les Africains musulmans, eux-mêmes, de la nouvelle religion en l’adaptant à leur milieu et en y trouvant des « réponses » à leur demande de sacré et de sens.
La démarche du courant de la Négritude est comparable à celle de tous les nationalismes confrontés à ce que Adamah Ekué Adamah appelle "la vieille problématique romantique de la collecte et de l’archivage en vue d’inventaires surévalués des embryons d’authenticité sauvés"2. C’est, en quelque sorte, une manière, parmi tant d’autres, de vouloir, comme il le dit, "refaire le monde au moyen du concept d’identité"3. Si on prend en compte l’apport des marxistes africains de l’époque, dans ce mouvement, l’on ne peut être que très prudent sur son contenu et ses concepts parfois plus proches d’un sociocentrisme utilitaire que d’une démarche scientifique. Ekué Adamah souligne, d’ailleurs, que "la notion d’identité culturelle dont il est tant parlé par les idéologues politiques et culturels relève, trop souvent, encore du cri de ralliement plus que du concept véritablement opératoire"4.
Rappelons que la Négritude, comme mouvement à vocation culturelle a, très souvent, occulté un combat politique. Ce combat est aussi bien présent à l’intérieur qu’à l’extérieur du même courant. Certains Africains lui reprochaient, à cet effet, son allure pacifiste assimilable, selon Wolé Soyinka, à une acceptation du néo-colonialisme. On se souvient de la célèbre boutade du prix Nobel de littérature, en direction de Léopold Sédar Senghor et des ses partisans : "le tigre ne crie pas sa tigritude ; il saute sur sa proie et la dévore".
Le mouvement de la négritude, malgré la densité de son apport littéraire et artistique, a eu quelquefois, la même attitude qu’il critiquait chez l’"oppresseur", le colonisateur, en fonçant les traits et en encourageant une vision culturaliste. Les travaux de Senghor sur la négritude sont loin de faire l’unanimité chez les nationalistes africains. A force de verser dans la spécificité, Senghor fut vivement critiqué pour sa conception d’un nègre confiné plus dans des considérations émotionnelles qu’à une rationalité qu’il lui niait presque. Le béninois, Stanislas Adotevi réagissait à sa thèse selon laquelle l’émotion serait nègre comme « la raison est Hélène » en déplorant : « A travers les descriptions senghoriennes du nègre, on dirait que notre race n’a pas évolué depuis la Création ». C’est pourquoi, de la même manière que nous nous démarquons de la vision unitariste d’un islam monolithique ou de l’assimilation culturelle, chère à l’empire colonial français, nous opposons au culte de l’authenticité prôné par les tenants de la négritude, la position intermédiaire d’une adaptation sociologique ou plutôt d’une assimilation critique. Nous pensons que, dans ce processus d’islamisation, il n’y a eu ni domination coercitive ni fusion des valeurs traditionnelles dans la nouvelle religion. Cependant, c’est cette aptitude des sociétés à s’approprier la foi nouvelle tout en lui imprimant les marques locales est une des données sociologiques qui nous intéressent le plus dans ce processus.
Aujourd’hui, dans le sillage de certains nationalistes africains, très influencés par les protagonistes de la Négritude, de nombreux intellectuels africains, y compris musulmans, développent des thèses assez critiques sur la rencontre entre l’islam et les Africains.
Ainsi, l’intellectuelle guinéenne, Aminata Barry5, lie le retard économique du continent africain à ce qu’elle appelle l’action « néfaste » des « prosélytes arabes » au même titre qu’elle considère le colonialisme et sa dimension capitaliste comme étant à l’origine des maux dont souffre l’Afrique. Dans la partie de son ouvrage où elle traite des « méfaits de l’islam » en Afrique, il y a un mélange d’un profond sentiment de désaveu et d’une attitude, pour le moins complexe, de réserve face aux thèses préconisant une islamisation en douceur : « Bien que combattu en Afrique noire, l’islam triompha. Son admiration par les Noirs et le manque d’unité de ces derniers facilita cette victoire. En dépit de fortes résistances isolées, l’absence d’un combat unitaire des Noirs contre les Arabes a marqué leurs faiblesses face à l’islam »6.
Ce nouveau courant présente l’islamisation comme un vrai diktat auquel les Africains se sont soumis : « Soutenu par un fanatisme religieux et économique, l’islam ne se négociait pas. En conséquence, la religion musulmane s’imposa largement en Afrique de l’ouest et déborda sur le centre »7.
Sa démarche rappelle, sur plusieurs plans, celle des tiers-mondistes que la passion de la lutte anti-impérialiste poussait à des constructions nourries d’éléments, certes, historiquement valides, mais malicieusement utilisés pour étayer des positions très souvent idéologiques. Ainsi, pour pouvoir, plus aisément, aboutir à la conclusion selon laquelle l’islam ou l’islamisation de l’Afrique, au même titre que l’intrusion coloniale, a été à l’origine de la déségrégation politique de l’Afrique - à la quelle le nationalisme devrait remédier ! -, A. Barry adopte la démonstration suivante : « Pour des raisons religieuses, les relations commerciales se dégradèrent et se transformèrent en conquêtes. Aux guerres des Arabes contre les Noirs, se substituèrent les conflits entre les ethnies africaines (opposition des rois soumis aux rois non soumis). Résultat : les empires furent détruits, désarticulés pour se reconstruire au fil du temps jusqu’à l’arrivée des premiers Portugais au XV ème siècle sur les côtes atlantiques. Le principe de diviser pour régner n’est donc pas une invention européenne. [...] L’islam est à l’origine des guerres fratricides et des premiers sanglots en Afrique noire. Plus jamais les Noirs ne retrouveront l’unité face à l’agresseur commun (arabe et négrier blanc). Cette incapacité à s’unir leur est fatale ».8
Cette vision nous semble très sélective. Elle obéit à une logique qu’on pourrait qualifier de rejet par occultation. L’islam a été accueilli par les Africains dans une période critique de leur histoire, mais ils l’ont, ensuite, adapté à leur univers et selon leurs besoins existentiels ; ce qui constitue un apport local et spécifique à ce dogme dans son tempérament oriental.
Dans ce contexte subsaharien, contrairement aux idées reçues, l’intégration culturelle, par le biais de l’islam, n’a pas occasionné la désintégration des cultures comme cela était manifeste dans le projet colonial conformément au principe d’"assimilation du colonisé".
L’anthropologue togolais, A. Ekué, conclut, dans cette longue citation, en insistant sur le fait que, dans ce débat, tout dépend du sens qu’on donne à la notion de « culture ». Est-ce un moyen utilitaire de favoriser l’identitaire ou l’essentialisme ou celui d’inscrire les particularités dans la globalité universelle des valeurs simplement humaines ? : "Que la culture soit soumise à des influences extérieures, nous dit Ekue Adamah, c’est le contre coup de son ouverture aux autres".
Il achève sa démonstration par une série de maximes qui méritent d’être méditées : "Pour nourrir les autres civilisations de sa propre sensibilité, il faut s’ouvrir à ces civilisations. Pour s’ouvrir aux autres il faut accepter de recevoir quand on donne. L’authenticité qui serait la fermeture d’une culture aux autres, risquerait, en définitive, de provoquer une implosion".9 C’est qu’en fonctionnant avec une éternelle dialectique, chère aux marxistes, avec la seule vision dominatrice et aliénante du religieux, on aboutit à une négation de l’universel dans la culture et encourage son instrumentalisation qui en occulte la portée humaine.
Ekué Adamah critique, de manière acerbe, une telle vision et en arrive à la remarque suivante : "Il n’y a de culture authentique que de culture qui, tout en tirant son originalité et sa force du terroir nourricier et de la sensibilité commune, doit traduire des préoccupations particulières et des valeurs universelles sous peine de l’empêcher de rayonner ou d’irradier"10. Ce qui distingue l’interpénétration de l’islam et des cultures africaines, contrairement aux tenants d’une acculturation unilatérale et dominatrice, est cette ré-interprétation du dogme, par rapports aux besoins locaux. C’est ce que résume le concept d’ "intégration stable et harmonieuse". La réalisation d’un tel procédé dans une culture qui conserve son originalité et ses caractères essentiels est, selon lui, "l’un des résultats souhaitables mais rares du processus d’acculturation".11
La langue arabe a acquis le statut qui est le sien dans le cadre de ce processus. Elle profitera de la place et du rôle de l’islam dans la société sénégalaise.
L’islam a largement bénéficié de deux facteurs principaux. D’abord, son introduction dans cette région s’est faite de manière quasi-pacifique par le biais du soufisme, soutenu par les liens commerciaux et culturels ; ce qui, socialement, fait défaut au christianisme, toujours considéré par les autochtones comme la religion du colonisateur. Ensuite, voulant en faire une alternative culturelle au modèle colonial, les marabouts ont essayé de modeler l’islam et son dogme afin de mieux les insérer dans le système de valeurs originel.
Le travail des chefs religieux aura comme objectif majeur de contrer l’"œuvre civilisatrice" coloniale venue nier aux Africains toute identité préexistante à la conquête. En procédant à une revalorisation de la culture locale en en islamisant le contenu, les apôtres de l’islam "noir" allaient, en même temps, promouvoir la religion musulmane et, sans doute, la langue arabe.
L’islam sera, pour eux, source d’une identité nouvelle, fruit d’une imbrication entre des valeurs traditionnelles et des préceptes de la nouvelle religion. De ce fait, on oubliera, très vite, son origine "étrangère" et s’attachera plus à son efficacité symbolique.
La religion musulmane sera, au besoin et selon les enjeux, brandi comme étendard identitaire. Sa force par rapport au modèle culturel colonial, préconisant le mythe de la tabula rasa, sera cette manière dont il se fit accepter en s’harmonisant avec les valeurs locales. L’arabe qui permit l’accès à son enseignement, à ses principes fondamentaux, et aux rudiments de la grande civilisation qu’il véhicule, fut élu langue de référence. C’est là l’origine de la sacralisation dont elle fait l’objet chez les populations converties. L’histoire de toutes les rencontres entre populations et cultures montre que le processus de conversion n’a jamais été unilatéral : lorsqu’une population se convertit à une religion, la religion ne sortira jamais "indemne" du brassage, elle en porte - d’ailleurs de manière salutaire - les marques indélibiles. Aussi, avec le renouveau islamique qui secoue certains pays, il ne faudrait pas que le débat sur l’islam devienne l’apanage des seuls religieux. Un échange entre intellectuels arabisants et élites francophones pourrait aider à dépassionner et à normaliser l’étude crique de la réalité islamique au sud du Sahara. Le modèle ne doit pas toujours venir du nord du Sahara ! La place et le rôle des Etats africains au sein des organisations panislamiques comme l’OCI sont là pour le prouver.
Il serait intéressant, aujourd’hui, de mener une profonde réflexion autour de cette fascination de la langue du Coran et évaluer son impact sur le regard africain sur l’islam ainsi que le rôle et la place du continent dans ce qu’il est convenu d’appeler la oummah islamique. il est certain que l’apport de l’Afrique noire au débat sur l’identité musulmane et ses implication dans la contruction de solidarités transnationale ne peut être que très enrichissant. Le continent noir a su produire une expression propre de l’islam basée sur les valeurs de tolérance et de coexistence pacifique. En somme, tout ce qui peut contribuer à mettre en avant un esprit de dialogue inter-religieux, afin de redorer le blason d’une religion souvent victime de ses franges extrémistes et lui permettre de réinvestir le champ de la pensée critique qu’elle a pourtant bien défriché.
Notes :
1 - Le laboratoire d’islamologie de l’IFAN détient d’innombrables manuscrits de ce type.
2 - Ekuwe Adamu : La question d’identité, in l’Afrique et la culture arabo-islamique, Publications de l’ISESCO, 1989, p.150.
3 - ibid, p150
4 - ibid p150.
5 - Barry, A. : l’Afrique sans le capitalisme , Ed. T.S. Zed & Harris, Collection « Points de vues », 1996.
6 - Barry, A : ibid, p.96.
7 - Barry, A. , ibid, p53.
8 - ibid, p53.
9 - in Colloque : Afrique et la culture arabo-islamique. Publications de l’ISESCO, p. 152
10 - Ekwé, A, ibid, p154.
11 - Ekwe, A : ibid p152.
Dans le cadre précis du Sénégal, résister à la colonisation signifiait aussi un rejet de la culture qu’elle véhiculait et forcément la langue qui en était le support : le français.
Rappelons qu’après l’effondrement des résistances armées menées par la chefferie locale Ceddo, ce sont les marabouts qui prirent le relais. Leur résistance sera, plutôt, d’ordre culturel ; un moyen de trouver une alternative à la politique d’assimilation menée par le colonisateur, pour ne pas y céder. Dans ce contexte, l’arabe va être, pendant longtemps, privilégiée par les lettrés musulmans, d’une part, en ce qu’elle est la langue du coran et, de l’autre, par son côté alternatif et libérateur du joug - au moins culturel et linguistique - colonial.
Le français, quant à lui, avait du mal à se débarrasser de son étiquette de langue de la colonisation, avec tout ce que cela impliquait pour son image. Tourner le dos à la langue française avait, alors, deux significations, politique et religieuse : résister à une domination culturelle et affirmer sa foi en l’islam.
Pour mieux comprendre cette attitude, rappelons que la langue française est longtemps restée un symbole de domination culturelle. Cela a fini par être la cause d’amalgames, loin d’être naïfs, sur le plan linguistique. Ainsi, "français" se dit en Wolof "nasarân" (de l’arabe nasrânî = nazaréen, chrétien ). Dans les perceptions, le français était conçu comme étant aux antipodes de la religion musulman. La langue arabe, elle était devenue un refuge et une alternative à la colonisation et à sa politique culturelle basée sur le principe d’assimilation de l’indigène. Ce phénomène était beaucoup plus perceptible en Afrique noire francophone. A la différence des Anglais qui avaient opté pour l’indirect rule, sans aucune volonté de façonner culturellement colonisé, la France a toujours cru être investie d’une mission « civilisatrice » qui passerait obligatoirement par l’assimilation des peuples sous sa domination.
Ainsi, en refusant la domination de la langue et de la "culture française", les Sénégalais, surtout musulmans, ont donné libre cours à une autre : celle de la langue arabe support de la "civilisation musulmane". Cependant, se considérant comme membre à part entière de la ’Ummah islamique, cette communauté d’identification transnationale, ils sont, peut-être, moins conscients des effets de cette autre domination incorporée, ou, en tout cas forte influence sur les cultures locales.
Tout était fonction des perceptions, des visions et des enjeux de l’heure. cependant, il ne faudrait pas perdre de vue les antécédents historico-culturels ayant favorisé la promotion de l’arabe et facilité son adoption par les Noirs africains musulmans.
Le commerce transsaharien qui s’est développé dès le Moyen-Age se servait de l’arabe et de son alphabet pour faciliter les échanges entre commerçants africains et arabes. D’ailleurs, Khalîl al-Nahwî, remarque que l’impact de l’arabe sur les langues africaines est plus sensible dans le champ lexical du commerce (poids, mesures, temps etc.), ou encore de la perception, forcément religieuse, du monde et de l’univers. Il en sera, largement, de même pour le vocabulaire religieux ; l’arabe étant la principale sinon la seule langue liturgique des musulmans. Ce fait sacralisant sera certainement à l’origine de l’importante production littéraire en arabe et en ’ajami (textes en langues locales transcrites avec l’alphabet arabe enrichi de signes diacritiques pour les sonorités étrangères à l’arabe). Les chefs religieux sénégalais ont rédigé en arabe leurs odes apologétiques dédiées au prophète MuÎammad, comme il est d’usage dans la tradition soufie. D’autres marabouts, par un souci de vulgarisation de l’islam et de son message, ayant une parfaite intelligence de la société sénégalaise et de son mode de fonctionnement, vont être plus créatifs.
Bien que maîtrisant, parfaitement les règles de la prosodie arabe (al-’arûd) et ses mécanismes, des cheikhs vont produire d’importantes œuvres en wolof transcrites avec l’alphabet arabe. Cheikh Moussa Kâ, disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides, en était l’un des plus remarquables.
Dans les travaux effectués par Saliou Kandji et Vincent Monteil1, en répertoriant les mots empruntés à l’arabe dans les parlers locaux, on note la prédominance du vocabulaire religieux et des termes ayant trait à l’existence et à l’univers. Si nous avons fait ce détour, c’est pour essayer d’expliquer le caractère sacralisé de l’arabe, en tant que langue et civilisation, chez les Sénégalais. Cette conception sera déterminant dans le débat ou querelle idéologique sur le rapport de l’Africain à l’islam ainsi que sa place dans cette communauté transnationale.
Ainsi, la question (taboue) suivante brûle les lèvres : les Africains musulmans sont-ils des déracinés ?
"Lorsque l’intellectuel africain parle de l’islam, sa main tremble", disait un averti des réalités du continent. Il s’est lancé un vaste débat sur la manière dont la langue arabe s’est "imposée" en Afrique noire. Est-ce une autre domination culturelle comme c’est le cas pour le français ou une acceptation, ne serait-ce qu’inconsciente, de la part des populations locales ? Les réponses sont multiples et divergentes voire contradictoires. Mais nous maintenons l’hypothèse d’une adaptation sociologique au sens où la culture arabe, par le biais de l’islam a réussi là où celle française n’a eu que de peine à percer bien que la langue de Molière soit, aujourd’hui, celle de l’administration et de l’école dans la plupart de ces Etats Ouest-africains.
Des intellectuels africains, influencés par les thèses de la négritude, contestent, de manière, quelques fois hystérique, une quelconque possibilité pour les Africains de s’identifier à l’islam et à son dogme unitaire. Pour ces intellectuels, l’islamisation n’est qu’une autre forme de domination culturelle qui ne dit pas son nom. Cette vision néglige un fait culturel ; celui de l’appropriation faite par les Africains musulmans, eux-mêmes, de la nouvelle religion en l’adaptant à leur milieu et en y trouvant des « réponses » à leur demande de sacré et de sens.
La démarche du courant de la Négritude est comparable à celle de tous les nationalismes confrontés à ce que Adamah Ekué Adamah appelle "la vieille problématique romantique de la collecte et de l’archivage en vue d’inventaires surévalués des embryons d’authenticité sauvés"2. C’est, en quelque sorte, une manière, parmi tant d’autres, de vouloir, comme il le dit, "refaire le monde au moyen du concept d’identité"3. Si on prend en compte l’apport des marxistes africains de l’époque, dans ce mouvement, l’on ne peut être que très prudent sur son contenu et ses concepts parfois plus proches d’un sociocentrisme utilitaire que d’une démarche scientifique. Ekué Adamah souligne, d’ailleurs, que "la notion d’identité culturelle dont il est tant parlé par les idéologues politiques et culturels relève, trop souvent, encore du cri de ralliement plus que du concept véritablement opératoire"4.
Rappelons que la Négritude, comme mouvement à vocation culturelle a, très souvent, occulté un combat politique. Ce combat est aussi bien présent à l’intérieur qu’à l’extérieur du même courant. Certains Africains lui reprochaient, à cet effet, son allure pacifiste assimilable, selon Wolé Soyinka, à une acceptation du néo-colonialisme. On se souvient de la célèbre boutade du prix Nobel de littérature, en direction de Léopold Sédar Senghor et des ses partisans : "le tigre ne crie pas sa tigritude ; il saute sur sa proie et la dévore".
Le mouvement de la négritude, malgré la densité de son apport littéraire et artistique, a eu quelquefois, la même attitude qu’il critiquait chez l’"oppresseur", le colonisateur, en fonçant les traits et en encourageant une vision culturaliste. Les travaux de Senghor sur la négritude sont loin de faire l’unanimité chez les nationalistes africains. A force de verser dans la spécificité, Senghor fut vivement critiqué pour sa conception d’un nègre confiné plus dans des considérations émotionnelles qu’à une rationalité qu’il lui niait presque. Le béninois, Stanislas Adotevi réagissait à sa thèse selon laquelle l’émotion serait nègre comme « la raison est Hélène » en déplorant : « A travers les descriptions senghoriennes du nègre, on dirait que notre race n’a pas évolué depuis la Création ». C’est pourquoi, de la même manière que nous nous démarquons de la vision unitariste d’un islam monolithique ou de l’assimilation culturelle, chère à l’empire colonial français, nous opposons au culte de l’authenticité prôné par les tenants de la négritude, la position intermédiaire d’une adaptation sociologique ou plutôt d’une assimilation critique. Nous pensons que, dans ce processus d’islamisation, il n’y a eu ni domination coercitive ni fusion des valeurs traditionnelles dans la nouvelle religion. Cependant, c’est cette aptitude des sociétés à s’approprier la foi nouvelle tout en lui imprimant les marques locales est une des données sociologiques qui nous intéressent le plus dans ce processus.
Aujourd’hui, dans le sillage de certains nationalistes africains, très influencés par les protagonistes de la Négritude, de nombreux intellectuels africains, y compris musulmans, développent des thèses assez critiques sur la rencontre entre l’islam et les Africains.
Ainsi, l’intellectuelle guinéenne, Aminata Barry5, lie le retard économique du continent africain à ce qu’elle appelle l’action « néfaste » des « prosélytes arabes » au même titre qu’elle considère le colonialisme et sa dimension capitaliste comme étant à l’origine des maux dont souffre l’Afrique. Dans la partie de son ouvrage où elle traite des « méfaits de l’islam » en Afrique, il y a un mélange d’un profond sentiment de désaveu et d’une attitude, pour le moins complexe, de réserve face aux thèses préconisant une islamisation en douceur : « Bien que combattu en Afrique noire, l’islam triompha. Son admiration par les Noirs et le manque d’unité de ces derniers facilita cette victoire. En dépit de fortes résistances isolées, l’absence d’un combat unitaire des Noirs contre les Arabes a marqué leurs faiblesses face à l’islam »6.
Ce nouveau courant présente l’islamisation comme un vrai diktat auquel les Africains se sont soumis : « Soutenu par un fanatisme religieux et économique, l’islam ne se négociait pas. En conséquence, la religion musulmane s’imposa largement en Afrique de l’ouest et déborda sur le centre »7.
Sa démarche rappelle, sur plusieurs plans, celle des tiers-mondistes que la passion de la lutte anti-impérialiste poussait à des constructions nourries d’éléments, certes, historiquement valides, mais malicieusement utilisés pour étayer des positions très souvent idéologiques. Ainsi, pour pouvoir, plus aisément, aboutir à la conclusion selon laquelle l’islam ou l’islamisation de l’Afrique, au même titre que l’intrusion coloniale, a été à l’origine de la déségrégation politique de l’Afrique - à la quelle le nationalisme devrait remédier ! -, A. Barry adopte la démonstration suivante : « Pour des raisons religieuses, les relations commerciales se dégradèrent et se transformèrent en conquêtes. Aux guerres des Arabes contre les Noirs, se substituèrent les conflits entre les ethnies africaines (opposition des rois soumis aux rois non soumis). Résultat : les empires furent détruits, désarticulés pour se reconstruire au fil du temps jusqu’à l’arrivée des premiers Portugais au XV ème siècle sur les côtes atlantiques. Le principe de diviser pour régner n’est donc pas une invention européenne. [...] L’islam est à l’origine des guerres fratricides et des premiers sanglots en Afrique noire. Plus jamais les Noirs ne retrouveront l’unité face à l’agresseur commun (arabe et négrier blanc). Cette incapacité à s’unir leur est fatale ».8
Cette vision nous semble très sélective. Elle obéit à une logique qu’on pourrait qualifier de rejet par occultation. L’islam a été accueilli par les Africains dans une période critique de leur histoire, mais ils l’ont, ensuite, adapté à leur univers et selon leurs besoins existentiels ; ce qui constitue un apport local et spécifique à ce dogme dans son tempérament oriental.
Dans ce contexte subsaharien, contrairement aux idées reçues, l’intégration culturelle, par le biais de l’islam, n’a pas occasionné la désintégration des cultures comme cela était manifeste dans le projet colonial conformément au principe d’"assimilation du colonisé".
L’anthropologue togolais, A. Ekué, conclut, dans cette longue citation, en insistant sur le fait que, dans ce débat, tout dépend du sens qu’on donne à la notion de « culture ». Est-ce un moyen utilitaire de favoriser l’identitaire ou l’essentialisme ou celui d’inscrire les particularités dans la globalité universelle des valeurs simplement humaines ? : "Que la culture soit soumise à des influences extérieures, nous dit Ekue Adamah, c’est le contre coup de son ouverture aux autres".
Il achève sa démonstration par une série de maximes qui méritent d’être méditées : "Pour nourrir les autres civilisations de sa propre sensibilité, il faut s’ouvrir à ces civilisations. Pour s’ouvrir aux autres il faut accepter de recevoir quand on donne. L’authenticité qui serait la fermeture d’une culture aux autres, risquerait, en définitive, de provoquer une implosion".9 C’est qu’en fonctionnant avec une éternelle dialectique, chère aux marxistes, avec la seule vision dominatrice et aliénante du religieux, on aboutit à une négation de l’universel dans la culture et encourage son instrumentalisation qui en occulte la portée humaine.
Ekué Adamah critique, de manière acerbe, une telle vision et en arrive à la remarque suivante : "Il n’y a de culture authentique que de culture qui, tout en tirant son originalité et sa force du terroir nourricier et de la sensibilité commune, doit traduire des préoccupations particulières et des valeurs universelles sous peine de l’empêcher de rayonner ou d’irradier"10. Ce qui distingue l’interpénétration de l’islam et des cultures africaines, contrairement aux tenants d’une acculturation unilatérale et dominatrice, est cette ré-interprétation du dogme, par rapports aux besoins locaux. C’est ce que résume le concept d’ "intégration stable et harmonieuse". La réalisation d’un tel procédé dans une culture qui conserve son originalité et ses caractères essentiels est, selon lui, "l’un des résultats souhaitables mais rares du processus d’acculturation".11
La langue arabe a acquis le statut qui est le sien dans le cadre de ce processus. Elle profitera de la place et du rôle de l’islam dans la société sénégalaise.
L’islam a largement bénéficié de deux facteurs principaux. D’abord, son introduction dans cette région s’est faite de manière quasi-pacifique par le biais du soufisme, soutenu par les liens commerciaux et culturels ; ce qui, socialement, fait défaut au christianisme, toujours considéré par les autochtones comme la religion du colonisateur. Ensuite, voulant en faire une alternative culturelle au modèle colonial, les marabouts ont essayé de modeler l’islam et son dogme afin de mieux les insérer dans le système de valeurs originel.
Le travail des chefs religieux aura comme objectif majeur de contrer l’"œuvre civilisatrice" coloniale venue nier aux Africains toute identité préexistante à la conquête. En procédant à une revalorisation de la culture locale en en islamisant le contenu, les apôtres de l’islam "noir" allaient, en même temps, promouvoir la religion musulmane et, sans doute, la langue arabe.
L’islam sera, pour eux, source d’une identité nouvelle, fruit d’une imbrication entre des valeurs traditionnelles et des préceptes de la nouvelle religion. De ce fait, on oubliera, très vite, son origine "étrangère" et s’attachera plus à son efficacité symbolique.
La religion musulmane sera, au besoin et selon les enjeux, brandi comme étendard identitaire. Sa force par rapport au modèle culturel colonial, préconisant le mythe de la tabula rasa, sera cette manière dont il se fit accepter en s’harmonisant avec les valeurs locales. L’arabe qui permit l’accès à son enseignement, à ses principes fondamentaux, et aux rudiments de la grande civilisation qu’il véhicule, fut élu langue de référence. C’est là l’origine de la sacralisation dont elle fait l’objet chez les populations converties. L’histoire de toutes les rencontres entre populations et cultures montre que le processus de conversion n’a jamais été unilatéral : lorsqu’une population se convertit à une religion, la religion ne sortira jamais "indemne" du brassage, elle en porte - d’ailleurs de manière salutaire - les marques indélibiles. Aussi, avec le renouveau islamique qui secoue certains pays, il ne faudrait pas que le débat sur l’islam devienne l’apanage des seuls religieux. Un échange entre intellectuels arabisants et élites francophones pourrait aider à dépassionner et à normaliser l’étude crique de la réalité islamique au sud du Sahara. Le modèle ne doit pas toujours venir du nord du Sahara ! La place et le rôle des Etats africains au sein des organisations panislamiques comme l’OCI sont là pour le prouver.
Il serait intéressant, aujourd’hui, de mener une profonde réflexion autour de cette fascination de la langue du Coran et évaluer son impact sur le regard africain sur l’islam ainsi que le rôle et la place du continent dans ce qu’il est convenu d’appeler la oummah islamique. il est certain que l’apport de l’Afrique noire au débat sur l’identité musulmane et ses implication dans la contruction de solidarités transnationale ne peut être que très enrichissant. Le continent noir a su produire une expression propre de l’islam basée sur les valeurs de tolérance et de coexistence pacifique. En somme, tout ce qui peut contribuer à mettre en avant un esprit de dialogue inter-religieux, afin de redorer le blason d’une religion souvent victime de ses franges extrémistes et lui permettre de réinvestir le champ de la pensée critique qu’elle a pourtant bien défriché.
Notes :
1 - Le laboratoire d’islamologie de l’IFAN détient d’innombrables manuscrits de ce type.
2 - Ekuwe Adamu : La question d’identité, in l’Afrique et la culture arabo-islamique, Publications de l’ISESCO, 1989, p.150.
3 - ibid, p150
4 - ibid p150.
5 - Barry, A. : l’Afrique sans le capitalisme , Ed. T.S. Zed & Harris, Collection « Points de vues », 1996.
6 - Barry, A : ibid, p.96.
7 - Barry, A. , ibid, p53.
8 - ibid, p53.
9 - in Colloque : Afrique et la culture arabo-islamique. Publications de l’ISESCO, p. 152
10 - Ekwé, A, ibid, p154.
11 - Ekwe, A : ibid p152.
jeudi 13 mai 2010
Par exemple
Bretagne
Le moulin de la rive
Photographie: Christine Le Moigne-Simonis
Par exemple
cette échappée de ciel
au bout du corridor
la lumière qu’elle déverse
sur un masque dogon
ce bout de perspective
écrasée par le mur
Par exemple
aussi
l’orée de la forêt
obscurcie par la pluie
l’éclair de liberté
dans l’œil du chevreuil
l’attente du chasseur
Par exemple
enfin
le lichen accroché
à la hampe des mots
les mausolées anciens
aux courbes effacées
et la vie qui s’étire
au rythme des marées
© José Le Moigne
La Louvière
13 mai 2010
mercredi 12 mai 2010
Le parlement conjugal » de Paulina Chiziane
La Mozambicaine Paulina Chiziane s’attaque dans Le parlement conjugal (éditions Actes Sud) à un sujet peu traité de façon romanesque : la polygamie. Le thème lui permet aussi d’entraîner le lecteur à la découverte d’un pays et de ses mœurs et de réaliser de magnifiques portraits de femmes. A lire !
Rami a 40 ans et soupçonne son mari, Tony, commandant de police de Maputo presque cinquantenaire, de la tromper. En se lançant dans son enquête, elle n’est pas au bout de sa surprise : Tony partage en fait son temps entre quatre autres femmes, avec lesquelles il a créé de véritables foyers et fait des enfants. « Le cœur de mon Tony est une constellation à cinq points. Un pentagone. Moi, Rami, je suis la première dame, la reine mère. Après vient Julieta, celle qu’on a trompée, et qui occupe la place de deuxième épouse. Ensuite vient Luisa, la désirée, à la place de troisième épouse. Saly, l’appétissante, est la quatrième. Et enfin, Maua Sualé, l’aimée, la cadette, la dernière en date. Notre foyer est un polygone à six sommets. Il est polygame. C’est un hexagone amoureux. »
Après la stupeur, le passage par une « conseillère en amour » et un recours raté à la magie, Rami décide de créer un club des épouses... « C’est ainsi que les hommes nous veulent : aveugles, ignares, peureuses, timides. » Ces femmes seront tout le contraire. Leur courage et leur solidarité fera plier le mari volage et leur permettra de devenir indépendantes financièrement. En instituant le parlement conjugal, elles feront respecter leurs droits d’épouses polygames reconnues. En établissant une « grille conjugale », elles surveilleront leur homme comme jamais... Tel est pris qui croyait prendre.
Tyrannie masculine
Vibrant plaidoyer pour l’amour, le livre de la Mozambicaine Paulina Chiziane aborde un sujet complexe jusqu’ici peu analysé dans un roman. « La polygamie est un hurlement solitaire un soir de pleine lune. C’est vivre au petit matin dans l’anxiété ou dans l’oubli », écrit-elle. C’est « avoir un homme entre ses bras qui soupire après une autre ». Et Rami de dire : « La polygamie est une croix. Un calvaire. Un enfer. Un brasier. Et chacune de raconter son histoire, tragique, fantastique, émouvante. Je demande aux hommes ce qu’ils pensent de la polygamie. J’entends des rires cadencés comme le ruissellement des fontaines. Je vois des sourires fendus jusqu’aux oreilles. Les glandes salivaires s’activent comme si on leur servait une nourriture agréable au palais. Ils applaudissent. La polygamie est dans la nature, c’est notre destin, notre culture, disent-ils. Notre pays compte dix femmes pour un homme, il faut que la polygamie continue ».
Elle égrène aussi de magnifiques portraits de femmes, très différentes mais toutes désabusées devant la tyrannie masculine. « On n’accorde aucune valeur à la parole d’une femme. (...) La femme doit écouter, exécuter, obéir. » C’est Rami la plus dure avec les hommes. Elle explique que les pères « élèvent leurs fils pour en faire des tyrans, et leurs filles pour qu’elles acceptent la tyrannie qui régit l’univers. (...) Les sentiments des filles ne comptent pas plus que des grains de sable. (...) On enseigne aux hommes à s’aimer eux-mêmes, avant d’aimer leur prochain. On enseigne aux femmes à aimer leur prochain, mais jamais à s’aimer elles-mêmes ». Et se rend compte qu’elle transmet à ses filles « la culture de la résignation et du silence, comme je l’ai apprise de ma mère. Et ma mère l’a apprise de la sienne ».
« L’amour est fugace comme une goutte d’eau au creux de la main »
Si « l’amour est fugace comme une goutte d’eau au creux de la main », il se vit aussi différemment selon qu’on est femme du Nord ou du Sud du pays. « Au Nord, la société est plus humaine », explique Maua. « La femme a droit au bonheur et à la vie » et les rites d’initiation en font une experte en sexualité, contrairement au Sud où « les femmes vivent en exil dans leur propre monde ». Rami est une femme du Sud... Malgré la litanie des discriminations faites aux femmes tout au long du livre, ce roman montre aussi la force de caractère de ces femmes, qui vont pousser la logique polygame jusqu’au bout, dans un étonnant retournement de situation... On n’en dira pas plus. Il faut lire ce livre rempli d’émotions pour découvrir les péripéties de ces amazones africaines contemporaines et de leur parlement conjugal.
L’auteur, Paulina Chiziane, est née en 1955 , dans le Sud du Mozambique. Elle a étudié la linguistique à Maputo et a déjà écrit trois romans et un recueil de nouvelles.
Une allée prend le nom d'Aimé Césaire
Une simple allée. Pas davantage. Mais, après tout, pourquoi pas ? Avant de repousser les horizons à la force de tous ses mots, de s'affranchir du temps qui passe, le jardin originel du poète est le plus souvent intime. Fragile. Alors, va pour une allée.
Hier, quelques heures avant le départ de la marche contre l'esclavage (lire ci-dessous), a été inaugurée, l'allée Aimé-Césaire. Dans le cadre paisible du jardin de l'Esplanade. Hommage rendu à la fois au poète et à l'homme politique décédé en 2008, à près de 94 ans. Le premier s'est inscrit, comme le fit Léopold Sedar Senghor, en plein coeur de cette "Négritude" si fertile, terreau devenu incontournable de la littérature française. Et francophone. Le second, fut maire de Fort-de-France et député de la République.
Hier,il fut largement question de cette Antillais souverain de son temps, de cette homme de peu de concessions. Qui de son verbe parfois violent, cofondateur qu'il fut avant-guerre du journal l'Etudiant noir, sut mettre le doigt sur bien des plaies ouverte - et non refermées ?
- sur la peau du Continent Noir.
Hier, quelques heures avant le départ de la marche contre l'esclavage (lire ci-dessous), a été inaugurée, l'allée Aimé-Césaire. Dans le cadre paisible du jardin de l'Esplanade. Hommage rendu à la fois au poète et à l'homme politique décédé en 2008, à près de 94 ans. Le premier s'est inscrit, comme le fit Léopold Sedar Senghor, en plein coeur de cette "Négritude" si fertile, terreau devenu incontournable de la littérature française. Et francophone. Le second, fut maire de Fort-de-France et député de la République.
Hier,il fut largement question de cette Antillais souverain de son temps, de cette homme de peu de concessions. Qui de son verbe parfois violent, cofondateur qu'il fut avant-guerre du journal l'Etudiant noir, sut mettre le doigt sur bien des plaies ouverte - et non refermées ?
- sur la peau du Continent Noir.
Pour Joseph Zobel Les élèves de Madame Borin 5B Ecole de Trivières — La Louvière — Belgique
Joseph Zobel
Pochette de CD
Lorsque je vais dans mon village
les gars me regardent…
et se disent en souriant…
Voilà Joseph
il n’a pas changé
Il est resté fidèle
à l’enfance
Que nous avons vécu
Ensemble
Il se souvient
des cases
des gestes
des gens
où des voix
et des mystères épèlent
une île aux semis verticales
il se souvient
de Cyparis
des portes du volcan
et de la chair du passé
et du cortège interminable des corps
de l’enfance mordue
par un fracas d’oiseaux
il se souvient
des coupeurs de cannes
à chaque effort blessés
par les tiges coupantes
et du cri du matin
des couleurs emmêlés
du battement des tempes
des serpents ou leurs masques
des herbes rampantes
des amarres
Lorsque je vais dans mon village
les gars me regardent
et disent
Voilà Joseph
il n’a pas changé
©José Le Moigne
Trivières
22 juin 2006
Texte écrit en atelier d’écriture mené par José Le Moigne dans le cadre du projet «Des chemins et des mots». Ce projet concerne sept sites de La Louvière (Belgique) — 5 groupes scolaires, un comité de quartier, un groupe d’alphabétisation— et vise, dans un pays d’immigration, à rapprocher les cultures par un projet d’écriture commune.
mardi 11 mai 2010
Symbiose
Symbiose est la rencontre esthétique entre trois personnalités artistiques de la Guadeloupe que sont : Alex BOUCAUD dit « AL’ », Klodi CANCELIER et Lucien LEOGANE. Il s’agit, à l’invitation du sculpteur « AL’ », originaire de Sainte-Anne, de proposer une confrontation ou une mise en relation de sa production avec celle de Klodi CANCELIER et de Lucien LEOGANE, tous deux peintres et plasticiens ayant souvent exposé en tandem.
C’est le Centre Culturel de la ville de Sainte-Anne qui a le plaisir d’accueillir cette manifestation artistique pendant deux semaines. Un temps haut lieu d’expositions de qualité, souvenons nous de « CONVERGENCES » dans les années 80, faisons le vœu pieux que Sainte-Anne retrouve sa place dans le concert des actions culturelles d’envergure.
Symbiose nous permet donc une immersion dans la sculpture de BOUCAUD, les tableaux –assemblages de CANCELIER et la peinture de LEOGANE.
Le travail en volume sculpté dans le bois ou la pierre que nous offre BOUCAUD propose une réflexion sur la figure en général. La figure est déformée à l’aide de la tronçonneuse pour les bois et à l’aide de la meuleuse pour les pierres. Il s’agit de bois et de pierres d’ici. Nous sommes beaucoup plus confrontés à des formes molles, courbes et coulantes qu’à des formes géométriques. Dans un style expressionniste Boucaud nous met face à nous mêmes avec une ressemblance somme toute déconcertante. Ces sculptures nous représentent, peuple de Guadeloupe selon AL’. L’artiste part de l’esprit d’ici, de notre île de Guadeloupe pour élaborer sa réflexion sculpturale. C’est le Carnaval, la Négritude à travers certains masques ou statues, la lutte des esclaves qui sont ses sources d’inspiration. Et ça se sent ! Les sculptures de BOUCAUD nous parlent, s’adressent à nous dans un langage esthétique très personnel entre BEAU et LAID, qui pose véritablement la question de la limite entre ces deux Mondes et sont empreintes d’une énergie toute spirituelle.
Les œuvres de Klodi CANCELIER sont faites de papiers différents, fabriqués à la main, avec des fibres naturelles de Guadeloupe (coco, dictame, chanvre). Il s’agit de tableaux-assemblages abstraits d’aspect minimalistes où le travail de composition met en exergue la matérialité des divers papiers et des éléments hétéroclites recueillis sur place (corail, bois flottés, terre), tout autant que leurs contrastes. Nous devons y voir également une dimension symbolique et spirituelle. L’artiste devient un peu Chaman, ses œuvres sont un peu comme des offrandes à nos yeux et à notre esprit.
L’aspect dépouillé et les couleurs relativement neutres (beige, brun, gris, greige, blanc et blanc cassé) dans ces compositions où domine le papier, nous invitent à la méditation
Méditation sur nous-mêmes, invitation au silence dans le même temps y sont convoquées. Il s’agit d’une autre facette de notre personnalité où le métissage et la mixité sont pris en compte, tout autant que notre spiritualité composée de syncrétisme, enraciné en nous depuis la nuit des temps.
La peinture de Lucien LEOGANE dans ce parcours s’inscrit dans le subtil. Ses compositions abstraites nous renvoient à une multitude de mondes : réels, irréels, naturels, surnaturels, telluriques inspirés de Guadeloupe. La liste n’est pas exhaustive. Dans une palette de couleurs le plus souvent douces, que ce soit dans des tonalités chaudes ou froides, le peintre compose et souligne à l’aide de la courbe et la contre-courbe le plus souvent. Les peintures à l’huile de LEOGANE offrent au regard un côté apaisant et sacré. La matérialité également est présente dans ses œuvres : on y perçoit des grains, des plis et replis, des épaisseurs, des craquelures, des fibres. L’oeil et les sens dans l’art de LEOGANE sont sollicités de toute part pour accéder au sublime. La maîtrise du coloris ainsi qu’un grand raffinement sont tangibles, invitant à la contemplation, voire au tactile.
La « SYMBIOSE » est en l’occurrence, la rencontre et l’union de personnalités artistiques différentes. Elle s’est construite dans cette richesse qu’est la diversité et le respect des œuvres de chacun pour cet instant d’exposition. A l’image du passé de la Guadeloupe, elle montre et démontre la voie de la tolérance et du vivre ensemble qui permettent de construire et de créer. Dans cette «SYMBIOSE », une partie de notre âme émerge aux yeux de nous-mêmes et du Monde. Elle nous offre quelque chose d’éclectique qui nous appartient tout en étant de l’ordre de l’universel. Au contraire de l’idée reçue que symbiose c’est disparaître, se fondre, se perdre, se coller, là elle apparait et révèle les multiples facettes de notre culture, de notre métissage lié à l’histoire de notre île, dans une revendication constructive et vivifiante.
Gilles GIRARD – Ancien élève de l’école du Louvre
AFFIRMATION DE LA CULTURE NOIRE : L’œuvre d’Alioune Diop magnifiée par les intellectuels
Nombreux sont les écrivains, universitaires et hommes de culture d’Afrique et de ses diasporas qui ont effectué le déplacement à Dakar pour revisiter la vie et l’œuvre d’Alioune Diop, fondateur de la revue et des éditions Présence Africaine. Cet illustre africain a consenti des « efforts surhumains » pour l’affirmation de la race noire à travers l’art et la littérature négro-africains.
Le colloque international, du 3 au 5 mai, sur « Alioune Diop, l’homme et l’œuvre face aux défis contemporains » est organisé par la section sénégalaise de la Communauté africaine de Culture (Cac). Son président, le Pr. Assane Seck (ancien ministre de la Culture du Sénégal), dans un message lu par l’universitaire Mamadou Mané, a soutenu que le fondateur de Présence Africaine a mené un combat libérateur du monde noir. « Le sens de ce colloque consiste à revisiter les diverses facettes de l’œuvre d’un humaniste. Il s’agit de rendre un bel hommage à la mémoire d’Alioune Diop », a expliqué le président de la Cac. Il a révélé qu’aussi bien la revue que la maison d’édition Présence Africaine étaient un forum culturel qui a permis aux intellectuels africains de contribuer aux dialogues des civilisations.
Selon le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), Abdou Diouf, dont le message a été lu par Hamidou Sall, chargé de mission, Alioune Diop est le Socrate noir en citant Léopold Sédar Senghor. « Pour parler de celui là, il faut prendre de la hauteur », a soutenu Abdou Diouf. Il a affirmé que pour mieux témoigner sur la vie et l’œuvre d’Alioune Diop, il urge de pénétrer le monde des symboles. L’aventure de Présence Africaine constitue un formidable témoignage légué aux générations montantes qui ont plus que jamais besoin de repères. Compagnon des chantres de la négritude, M. Diop a été un bâtisseur du Noir à qui il a permis d’interpréter avec lucidité son histoire pour reconstruire sa dignité bafouée par l’esclavage et la colonisation. Deux pratiques barbares aux antipodes de l’humanisme. « Alioune Diop est un homme qui s’est battu toute sa vie durant pour la revitalisation des fraternités fracassées par les violences de l’histoire », a souligné Abdou Diouf.
Le Prix Nobel de Littérature, Wole Soyinka, par ailleurs président de la Communauté africaine de Culture, a souligné qu’Alioune Diop a été à la fois un grand visionnaire et un missionnaire pour la défense de la race noire. « Nous avons le privilège d’être des compagnons d’Alioune Diop. Il nous a enseigné que l’esprit de la guerre contre le barbarisme n’a pas de limite. Ce message est toujours d’actualité. Il appartient aux jeunes de s’en approprier car la culture reste un vaste champ de bataille », a-t-il poursuivi. Selon lui, il a montré la voie qui mène vers la libération de la pensée négro africaine. « Présence Africaine : décolonisation et devenir culturel de l’Afrique et de ses diasporas » est le thème de premier panel du colloque qui s’achève demain.
Maké DANGNOKHO
Le colloque international, du 3 au 5 mai, sur « Alioune Diop, l’homme et l’œuvre face aux défis contemporains » est organisé par la section sénégalaise de la Communauté africaine de Culture (Cac). Son président, le Pr. Assane Seck (ancien ministre de la Culture du Sénégal), dans un message lu par l’universitaire Mamadou Mané, a soutenu que le fondateur de Présence Africaine a mené un combat libérateur du monde noir. « Le sens de ce colloque consiste à revisiter les diverses facettes de l’œuvre d’un humaniste. Il s’agit de rendre un bel hommage à la mémoire d’Alioune Diop », a expliqué le président de la Cac. Il a révélé qu’aussi bien la revue que la maison d’édition Présence Africaine étaient un forum culturel qui a permis aux intellectuels africains de contribuer aux dialogues des civilisations.
Selon le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), Abdou Diouf, dont le message a été lu par Hamidou Sall, chargé de mission, Alioune Diop est le Socrate noir en citant Léopold Sédar Senghor. « Pour parler de celui là, il faut prendre de la hauteur », a soutenu Abdou Diouf. Il a affirmé que pour mieux témoigner sur la vie et l’œuvre d’Alioune Diop, il urge de pénétrer le monde des symboles. L’aventure de Présence Africaine constitue un formidable témoignage légué aux générations montantes qui ont plus que jamais besoin de repères. Compagnon des chantres de la négritude, M. Diop a été un bâtisseur du Noir à qui il a permis d’interpréter avec lucidité son histoire pour reconstruire sa dignité bafouée par l’esclavage et la colonisation. Deux pratiques barbares aux antipodes de l’humanisme. « Alioune Diop est un homme qui s’est battu toute sa vie durant pour la revitalisation des fraternités fracassées par les violences de l’histoire », a souligné Abdou Diouf.
Le Prix Nobel de Littérature, Wole Soyinka, par ailleurs président de la Communauté africaine de Culture, a souligné qu’Alioune Diop a été à la fois un grand visionnaire et un missionnaire pour la défense de la race noire. « Nous avons le privilège d’être des compagnons d’Alioune Diop. Il nous a enseigné que l’esprit de la guerre contre le barbarisme n’a pas de limite. Ce message est toujours d’actualité. Il appartient aux jeunes de s’en approprier car la culture reste un vaste champ de bataille », a-t-il poursuivi. Selon lui, il a montré la voie qui mène vers la libération de la pensée négro africaine. « Présence Africaine : décolonisation et devenir culturel de l’Afrique et de ses diasporas » est le thème de premier panel du colloque qui s’achève demain.
Maké DANGNOKHO
" Cesaire venait dans l'eau nous regarder"
Public Sénat diffuse à 22 h 30 Papa Césaire, de Sarah Maldoror. Un documentaire pour découvrir le chantre de la négritude en ce 10 mai de commémoration de l’esclavage.
Le documentaire de Sarah Maldoror démarre sur les habitués de la mangrove, à Fort-de-France. Une Martiniquaise dit son sentiment sur cet homme que la Martinique a aimé, choyé, admiré jusqu’à sa mort en 2008. « Il venait dans l’eau nous regarder », dit-elle d’Aimé Césaire, maire de Fort-de-France durant cinquante-six ans et député à l’Assemblée nationale pendant trois décennies. « Je lui disais : non, Papa Césaire. Tu ne vas pas mettre tes pieds dans l’eau ! » Et, ajoute-t-elle, « je le portais ». Bon nombre de Martiniquais l’appelaient Papa Césaire. Parce que le chantre de la négritude, admiré pour sa « poésie tellurique » qui montait de la terre, était aussi aimé pour sa gestion en tant que maire de la ville.
Sarah remonte les traces de ce déraciné, qui dans un de ses poèmes recense ses habitats : « J’habite une blessure sacrée / j’habite des ancêtres imaginaires / j’habite un vouloir obscur / j’habite un long silence. » Le film explore la vie du poète, versifiant au hasard de ses déplacements, sur un bout de carton, de papier, mais presque jamais derrière son bureau. Le dramaturge emballé par Christophe, le Haïtien, en qui il voyait une invitation à mettre en théâtre. L’essayiste, et initiateur, avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas, de la négritude.
un éveilleur de consciences
L’homme venu à la politique pour sauvegarder cette culture essentielle de son île natale. Autant de facettes de cet éveilleur de consciences s’occupant de tout, non pas à la manière d’un Sarkozy, mais comme un humble proche se sentant responsable du quotidien de ses administrés. Ponctué d’extraits des films que Sarah Maldoror a consacrés à Aimé Césaire, en particulier Un homme, une terre et le Masque des mots, Papa Césaire est un recueil de morceaux choisis dans le parcours du poète. Des conversations avec la réalisatrice et des documents de l’INA permettent de découvrir, et de bien comprendre, le parcours de celui qui expliquait sa différence, avec son frère d’études et de combat Léopold Sédar Senghor, par leur statut. Selon Césaire, « le calme africain de Senghor » contrastait avec son « agitation perpétuelle » à lui. C’est pourquoi, disait-il, « il y a un stress, une angoisse, une mélancolie martiniquais qui relèvent de la psychanalyse. L’idée d’avoir été arrachés, enlevés. Nous sommes des déracinés ».
Ce film est diffusé le 10 mai, date choisie en métropole pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Celui qui a tout fait pour rendre leur dignité aux descendants d’esclaves s’est aussi battu pour que sorte de l’oubli l’atrocité de l’esclavage.
Fernand Novet
À voir sur France 3 à 9 h 10, le documentaire Mémoires d’esclavage, de François Rabaté et Luc Laventure, et à 20 h 35 sur France Ô, Des Noirs et des hommes, d’Amélie Brunet et Philippe Goma. Lire également l’entretien avec Cheikh Faty Faye en page 22.
source
Festival de Cinéma de Douarnenez
Festival de Cinéma de Douarnenez, en Bretagne.
Pour information, ci-joint les avancées de la programmation de la
prochaine édition portant sur les cultures de la Caraïbe.
Pour information, ci-joint les avancées de la programmation de la
prochaine édition portant sur les cultures de la Caraïbe.
Epaves
jeudi 6 mai 2010
Savane
mardi 4 mai 2010
BIOGRAPHIE DE SABINE ANDRIVON-MILTON
Docteur en Histoire
Née en 1970 à Fort-de-France, Sabine Andrivon-Milton est la cadette d’une famille de trois enfants. Dès son plus jeune âge, son père (garagiste) et sa mère (infirmière) lui inculquent les notions de solidarité et du progrès. Sabine effectue sa scolarité dans sa commune natale puis commence des études universitaires sur le Campus de Schoelcher, avant de rejoindre l’Université de la Sorbonne à Paris. De retour en Martinique, cette jeune femme dynamique poursuit ses cours sur le Campus de Schoelcher où elle obtient son doctorat d’Histoire, en décembre 2003.
Passionnée de Littérature, elle se lance dans l’écriture. Elle affûte sa plume et sort son premier ouvrage intitulé : « La Martinique, base navale dans le rêve mexicain de Napoléon III (1862-1867) », en 1996. Puis, paraît « La Martinique et la Grande Guerre » en 2005. Cette oeuvre lui permet de recevoir le Prix des écrivains combattants. Deux ans plus tard, « Le livre d’or des soldats Martiniquais morts pendant la Grande Guerre » est édité. Toujours inspirée, ses écrits se succèdent. En 2008, elle publie son quatrième ouvrage : « Lettres de Poilus Martiniquais » et l’année dernière, est paru le recueil « Poèmes et chants pendant la Guerre ».
Humble et consciencieuse, Sabine Andrivon-Milton est la présidente de l’Association « Histoire militaire de la Martinique » qui organise, depuis bientôt trois ans, l’opération « Monuments aux morts en lumière ».
Une manifestation dont l’objectif est d’interpeller la population sur l’existence des monuments aux morts, éléments incontournables de notre patrimoine. D’ailleurs, elle a découvert que 150 soldats Martiniquais morts pendant la 1ère Guerre Mondiale (1914-1918) n’étaient pas inscrits sur les monuments aux morts. Elle milite activement afin que les municipalités réparent cet oubli. D’où, cette cérémonie d’ajout des 15 noms des soldats Joséphins oubliés de la Grande Guerre qui s’est déroulée après la célébration religieuse, au monument aux morts. Le nom de ces hommes, ayant obtenu la mention « morts pour la France », est maintenant gravé dans la pierre. Par ce geste, la ville de Saint-Joseph espère avoir rectifié le tir.
Femme de communication, Sabine Andrivon-Milton réalise régulièrement des conférences dans les écoles, pour les associations et en direction des particuliers avec comme unique but de diffuser l’Histoire de la Martinique au plus grand nombre. Son action publique a été reconnue puisqu’elle est lieutenant de la Réserve Citoyenne et médaillée du Mérite Colonial.
D’une très grande gentillesse naturelle, Sabine enseigne au Lycée Professionnel Agricole du Robert, depuis 1993, où elle prête une oreille attentive aux élèves qui lui confient leurs difficultés et aléas. Selon ces derniers, elle trouve toujours les mots de réconfort.
Poussière
lundi 3 mai 2010
Que reste-t-il
ALIOUNE DIOP : Une vie pour l’émancipation du peuple noir
Un « Socrate noir ». La comparaison n’est pas abusive pour cerner la personnalité. Plus soucieux d’accoucher les autres que de produire une œuvre personnelle ambitieuse, Alioune Diop était d’une générosité intellectuelle qui ne souffrait d’aucun conteste.
Alioune Diop (1910-1980) était un intellectuel sénégalais qui a joué un rôle de premier plan dans l’émancipation des cultures africaines, fondant notamment la revue Présence Africaine. Fils de postier, Alioune Diop est né à Saint-Louis le 10 janvier 1910. Né musulman, il fréquente l’école coranique durant son enfance, mais ses tantes maternelles l’initient à la lecture de la Bible. A l’âge adulte, Alioune Diop se convertira au christianisme. Il recevra son baptême catholique du père dominicain Jean-Augustin Maydieu dans la nuit de Noël 1944 à Saint-Flour, dans le Cantal (France), sous le nom de Jean. Le jeune Alioune effectue ses études primaires à Dagana et ses études secondaires à Saint-Louis (lycée Faidherbe). Il obtient son Baccalauréat classique (Latin-Grec) en 1931. Puis, en qualité de citoyen français, il effectue son service militaire à Thiès.
En 1933, n’ayant pas obtenu une bourse pour se rendre en métropole, il se rend à Alger où il s’inscrira à la faculté de Lettres classiques, à l’Université d’Alger, la même année qu’Albert Camus, alors en philosophie. Il subvient à ses besoins en exerçant les fonctions de Maître d’internat jusqu’à son arrivée en France en 1937. Il poursuivra ses études en faculté à Paris. Il est titulaire d’une licence de Lettres classiques et d’un diplôme d’études supérieures.
En 1939, avec l’éclatement de la deuxième Guerre mondiale, il est mobilisé comme soldat, avant d’être démobilisé à l’armistice en 1940, qui le trouve à Marseille.A son actif, plusieurs activités professionnelles. Tour à tour enseignant et fonctionnaire de l’Aof (professeur au Prytanée militaire de La Flèche dans la Sarthe, en 1943, professeur au lycée Louis le Grand en 1945, puis chargé de cours à l’École coloniale, il est ensuite nommé chef du Cabinet du Gouverneur général de l’Afrique occidentale française).
Il sera également sénateur de la IVe République française entre décembre 1946 et novembre 1948. Il milite à cette époque à la Sfio (Section française de l’Internationale socialiste) et figure en troisième position sur la liste présentée par ce parti au Sénégal lors des élections du 23 décembre 1946 au Conseil de la République. Il est élu.Au terme de ce mandat, lors des élections qui suivent, le 14 novembre 1948, il figure encore en troisième position sur la liste présentée par la Sfio au Sénégal, mais il n’est pas réélu, son siège étant remporté par Mamadou Dia du Bds (Bloc démocratique sénégalais).Cependant, c’est surtout à travers ses talents d’animateur culturel, d’organisateur, de fédérateur qu’il trouve sa voie, se consacrant désormais à ses activités d’éditeur de revue littéraire, puis d’éditeur au sein de sa maison d’édition.En 1947, alors qu’il est encore sénateur, il fonde la revue Présence Africaine dont il propose le titre. Le logo de Présence Africaine, inspiré d’un masque Dogon, sera proposé par l’écrivain français Michel Leiris qui est membre du comité de patronage de la revue. Parmi les autres membres du comité de patronage, il y a également Paul Rivet, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, André Gide, Théodore Monod, Richard Wright, le R.P Maydieu, Merleau-Ponty, Aimé Césaire.
Le 1er numéro paraît simultanément à Paris et à Dakar. Dans l’éditorial du numéro 1 de la revue, intitulé « Niam n’goura ou les raisons d’être de Présence Africaine », Alioune Diop écrit : « (...) notre revue se félicite (...) d’être française, de vivre dans un cadre français ». Il renchérit à la fin : « C’est au peuple français d’abord que nous faisons confiance : je veux dire à tous les hommes de bonne volonté qui, fidèles aux plus héroïques traditions françaises, ont voué leur existence au culte exclusif de l’homme et de sa grandeur ».Pour l’anecdote, un des numéros de cette revue, consacré aux Antilles et à la Guyane, sera saisi en 1962 par le parquet de la Seine pour « atteinte à la sûreté de l’État ».Entre 1947 et 1960, on trouvera 12 fois la signature de Léopold Sédar Senghor dans la revue Présence Africaine. En 1949, Alioune Diop fonde également les éditions Présence Africaine.Les éditions Présence Africaine ont publié, entre autres, les premiers écrits du romancier Mongo Béti et du poète David Diop, ainsi que « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire.
Emancipation culturelle
Et c’est en 1956 qu’Alioune Diop organise à la Sorbonne le Congrès des écrivains et artistes noirs qui réunira les intellectuels noirs de nombreux pays, soutenus par des écrivains et artistes du monde entier et militant pour l’émancipation des cultures africaines et en faveur de la décolonisation.En 1957, il crée la Société africaine de culture (Sac), sur le modèle de la Société européenne de culture, fondée en 1950 à Venise et dont Alioune Diop était alors le seul membre originaire d’Afrique.
Alioune Diop sera le secrétaire général de la Sac, le Haïtien Jean Price-Mars (1876-1969) diplomate, médecin et auteur en étant le premier président. En mettant sur pied une communauté africaine de culture, loin était le besoin de se singulariser. Elle n’est ni une simple proclamation du droit à la différence, ni le signe d’une crise politique ou de désarroi économique. Le propos n’était ni un réflexe d’autodéfense à l’agression quasi-quotidienne de la culture technicienne occidentale, ni un processus de purification destiné à détruire les germes de la culture politique plurielle.
La Société africaine de culture compte à son actif l’organisation du Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs (Rome, 26mars-1er avril 1959) sur le thème de « l’unité des cultures négro-africaines », ainsi que l’organisation du premier Festival mondial des arts nègres (Dakar, 1966), du Festival d’Alger (1969) et de celui de Lagos (1977). A l’occasion de la préparation du Concile Vatican II, Alioune Diop mobilisera, au sein de la Société africaine de culture, les intellectuels catholiques, prêtres et laïcs pour le colloque de Rome qui a lieu du 26 au 27 mai 1962, sur le thème « Personnalité africaine et catholicisme ».Au soutien que l’équipe de Présence Africaine reçut de la part d’André Gide, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Théodore Monod pour ce 1er Congrès, s’ajoutèrent les marques de sympathie de Roger Bastide, Basil Davidson, Michel Leiris, George Padmore, entre autres.
Pablo Picasso dessina, à cette occasion, le portrait d’un homme noir, devenu l’affiche officielle du Congrès. L’on déplorait l’absence de W.E. B. Du Bois et de Paul Robeson, tous deux américains et interdits de visa. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de la défaite du nazisme, des intellectuels noirs renouent avec l’esprit des mouvements abolitionnistes des XVIIIe et XIXe siècles.
Dans la continuité des congrès panafricanistes, notamment ceux de Londres, New York et Bruxelles, ont lieu les Congrès de Manchester (1945, 1947) avec des personnalités telles que W. E. B. Du Bois, George Padmore, Kwame Nkrumah, Nnamdi Azikiwe, Jomo Kenyatta... Ces Congrès mettent l’accent sur le nécessaire engagement politique en vue de l’accession à l’indépendance des peuples du continent noir. Alioune Diop crée Présence Africaine en 1947.
Cette même année, l’anthologie de Léon Gontran Damas, Poètes noirs d’expression française 1900-1945, paraît aux éditions du Seuil. En 1948, Léopold Sédar Senghor publie l’Anthologie de la nouvelle poésie noire et malgache de langue française précédée de l’Orphée noir de Jean-Paul Sartre. La parution de ces deux textes constitue les prémices d’un grand mouvement d’affirmation des peuples noirs.
El Hadji Massiga FAYE
samedi 1 mai 2010
Enfance, ma liberté / Infanzia, mia libertà
Martinique
La route de la trace
Photographie: Christine Le Moigne-Simonis
Enfance
ma liberté
j’ai su garder de toi le conclave des îles
l’éclair vif de l’oiseau
le serpent tétracorde
l’envol lourd des busards à l’aplomb des vieux mornes
la chatière carnassière où hennissait le vent
Et j’ai gardé aussi trop blanche sur la main
la lunule des ongles striée par les moissons
la parole rouillée
d’avoir si peu servie
le chant grave des conteurs aux tiges des tubéreuses
ce grand flot d’amertume
jusqu’à l’écoeurement
Trouverais-je la piste du grand fauve de sève
sur l’argile des portes
trouvera-t-il sa marque
partout où des pieds nus ont foulés la jachère
je décrispe mes yeux où affluent les roseaux
Le soleil jamais ne remonte la rive
où crissent sous les feuilles
les mantes religieuses
*
* *
Infanzia, mia libertà
Infanzia
mia libertà
ho saputo di te custodire il conclave delle isole
il lampo vivo dell’uccello
il sepento tetracordo
il vola pesante delle albanelle a piombo sui vecchi poggi
l’abbino per la carne dove nitriva il vento
Ho saputo anche consevare troppo bianca sulla mano
la lunula delle unghie striata per aver cosi poco servito
il cantograve dei narratori dalle stirpi delle tuberose
quella grande onda di amarezza
fino alla nausea
Traversŏ la pista del grande fulvo dalla linfa vitale
sur’argilla delle porte
si troverà la tua impronta
avunque piedi nudi abbiano calcato il maggese
io distendo il moi sguardo ove affluiscono i canneti
Il sole non risale mai la riva
Dove stridono sotto le foglie
Le mantidi religiose
José Le Moigne
In Babilonia
Piccola anthologia plurietnica
Traduction Bruno Rombi
Il libraccio Editore
Gênes 2005
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