mardi 11 mai 2010

Symbiose


Symbiose est la rencontre esthétique entre trois personnalités artistiques de la Guadeloupe que sont : Alex BOUCAUD dit « AL’ », Klodi CANCELIER et Lucien LEOGANE. Il s’agit, à l’invitation du sculpteur « AL’ », originaire de Sainte-Anne, de proposer une confrontation ou une mise en relation de sa production avec celle de Klodi CANCELIER et de Lucien LEOGANE, tous deux peintres et plasticiens ayant souvent exposé en tandem.

C’est le Centre Culturel de la ville de Sainte-Anne qui a le plaisir d’accueillir cette manifestation artistique pendant deux semaines. Un temps haut lieu d’expositions de qualité, souvenons nous de « CONVERGENCES » dans les années 80, faisons le vœu pieux que Sainte-Anne retrouve sa place dans le concert des actions culturelles d’envergure.

Symbiose nous permet donc une immersion dans la sculpture de BOUCAUD, les tableaux –assemblages de CANCELIER et la peinture de LEOGANE.

Le travail en volume sculpté dans le bois ou la pierre que nous offre BOUCAUD propose une réflexion sur la figure en général. La figure est déformée à l’aide de la tronçonneuse pour les bois et à l’aide de la meuleuse pour les pierres. Il s’agit de bois et de pierres d’ici. Nous sommes beaucoup plus confrontés à des formes molles, courbes et coulantes qu’à des formes géométriques. Dans un style expressionniste Boucaud nous met face à nous mêmes avec une ressemblance somme toute déconcertante. Ces sculptures nous représentent, peuple de Guadeloupe selon AL’. L’artiste part de l’esprit d’ici, de notre île de Guadeloupe pour élaborer sa réflexion sculpturale. C’est le Carnaval, la Négritude à travers certains masques ou statues, la lutte des esclaves qui sont ses sources d’inspiration. Et ça se sent ! Les sculptures de BOUCAUD nous parlent, s’adressent à nous dans un langage esthétique très personnel entre BEAU et LAID, qui pose véritablement la question de la limite entre ces deux Mondes et sont empreintes d’une énergie toute spirituelle.

Les œuvres de Klodi CANCELIER sont faites de papiers différents, fabriqués à la main, avec des fibres naturelles de Guadeloupe (coco, dictame, chanvre). Il s’agit de tableaux-assemblages abstraits d’aspect minimalistes où le travail de composition met en exergue la matérialité des divers papiers et des éléments hétéroclites recueillis sur place (corail, bois flottés, terre), tout autant que leurs contrastes. Nous devons y voir également une dimension symbolique et spirituelle. L’artiste devient un peu Chaman, ses œuvres sont un peu comme des offrandes à nos yeux et à notre esprit.

L’aspect dépouillé et les couleurs relativement neutres (beige, brun, gris, greige, blanc et blanc cassé) dans ces compositions où domine le papier, nous invitent à la méditation

Méditation sur nous-mêmes, invitation au silence dans le même temps y sont convoquées. Il s’agit d’une autre facette de notre personnalité où le métissage et la mixité sont pris en compte, tout autant que notre spiritualité composée de syncrétisme, enraciné en nous depuis la nuit des temps.

La peinture de Lucien LEOGANE dans ce parcours s’inscrit dans le subtil. Ses compositions abstraites nous renvoient à une multitude de mondes : réels, irréels, naturels, surnaturels, telluriques inspirés de Guadeloupe. La liste n’est pas exhaustive. Dans une palette de couleurs le plus souvent douces, que ce soit dans des tonalités chaudes ou froides, le peintre compose et souligne à l’aide de la courbe et la contre-courbe le plus souvent. Les peintures à l’huile de LEOGANE offrent au regard un côté apaisant et sacré. La matérialité également est présente dans ses œuvres : on y perçoit des grains, des plis et replis, des épaisseurs, des craquelures, des fibres. L’oeil et les sens dans l’art de LEOGANE sont sollicités de toute part pour accéder au sublime. La maîtrise du coloris ainsi qu’un grand raffinement sont tangibles, invitant à la contemplation, voire au tactile.

La « SYMBIOSE » est en l’occurrence, la rencontre et l’union de personnalités artistiques différentes. Elle s’est construite dans cette richesse qu’est la diversité et le respect des œuvres de chacun pour cet instant d’exposition. A l’image du passé de la Guadeloupe, elle montre et démontre la voie de la tolérance et du vivre ensemble qui permettent de construire et de créer. Dans cette «SYMBIOSE », une partie de notre âme émerge aux yeux de nous-mêmes et du Monde. Elle nous offre quelque chose d’éclectique qui nous appartient tout en étant de l’ordre de l’universel. Au contraire de l’idée reçue que symbiose c’est disparaître, se fondre, se perdre, se coller, là elle apparait et révèle les multiples facettes de notre culture, de notre métissage lié à l’histoire de notre île, dans une revendication constructive et vivifiante.

Gilles GIRARD – Ancien élève de l’école du Louvre

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