jeudi 7 avril 2011

LA NEGRITUDE AU PANTHEON FRANCAIS



On se souvient que feu Aimé Césaire avait refusé une première fois de rencontrer Nicolas Sarkozy et qu’il n’avait fini par céder que sous la pression de son entourage PPM. On sait aussi qu’il n’a pas voulu d’enterrement religieux pas plus qu’aucune sorte de récupération de sa personne et de son œuvre par la France. Trente ans plus tôt, et contrairement à Léopold Sédar Senghor, il avait déjà refusé les sirènes de l’Académie française.

En dépit de toutes les critiques qu’on peut lui adresser, en particulier ses différents atermoiements politiques durant ses cinquante ans de carrière, force est de reconnaître que l’auteur du « Discours sur le colonialisme » s’est toujours efforcé, du moins en ce qui concernait sa propre personne, de ne pas être un jouet au carnaval de l’Autre.

Qu’aurait-il pensé aujourd’hui de la pose d’une plaque à son nom au Panthéon français ?

La France de Sarkozy, jamais en panne de récupération, avait voulu, au lendemain de sa mort, le faire enterrer au Panthéon, ce qu’avait refusé la famille du poète, sans doute pour respecter les dernières volontés de ce dernier. Pourquoi accepte-t-elle donc aujourd’hui cette nouvelle mise en scène sarkozienne ? Car, à bien regarder, que ce soit le corps de Césaire ou une plaque à son nom, cela revient strictement au même : « l’architecte aux yeux bleus », comme il écrivait, a fini par réussir à dompter le « Nègre fondamental ». La Négritude est désormais récupérée par la Francité. Le nom du « Rebelle », à défaut de son corps, figurera désormais aux côtés « des grands hommes qui ont servi la France ».

Césaire voulait-il servi la France ou la Martinique ?

On notera au passage que les noiristes se taisent. Autant ils sont prompts à dénoncer la Créolité parce que « Tous Créoles » tente de la récupérer, autant ils demeurent bouche cousue lorsque le pouvoir français en fait de même avec la Négritude. Pour notre part, nous savons bien que toute idéologie, quelle qu’elle soit, est vouée, à un moment ou un autre, à être à la fois récupérée et surtout pervertie. La Négritude n’est donc pas responsable d’avoir été accaparée hier par François Duvalier et aujourd’hui par Nicolas Sarkozy. Pas plus que le Marxisme n’est responsable de Staline ou de Pol Pot. Pas plus que l’Islam n’est responsable d’Al-Quaida. Pas plus que la Créolité n’est responsable de « Tous Créoles ».

C’est faire preuve d’une malhonnêteté intellectuelle crasse que de feindre d’ignorer un tel phénomène.

Toujours est-il que le mal est fait. La pose de cette plaque au Panthéon français signe, d’une certaine façon, la reddition de tout un mouvement de résistance à l’assimilation et au phagocytage par la culture française de la culture martiniquaise. Triste et cruel constat. Et ce n’est pas la statue que le PPM va installer sur la Place de La Savane qui y changera quoi que ce soit.

Césaire récupéré, Glissant récupéré, il ne reste plus que Fanon, enterré en terre algérienne (pour toujours, nous l’espérons), cette terre et ce peuple pour lesquels il s’est tant battu, qui continue à présenter l’image de ce que Marcel Manville avait coutume d’appeler la verticalité martiniquaise.

Mais, la France pourra se livrer à toutes les manipulations et mascarades qu’elle voudra, il demeure une réalité, une vérité, que rien ne pourra changer : Nous ne sommes pas des Français, nous sommes des Créoles…



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