samedi 18 avril 2009

Hommage - Bon anniversaire, monsieur Césaire !





Un an après la mort du poète, des livres et une exposition célèbrent ce grand Aimé.


C’était un 17 avril, à Fort-de-France. Le poète Aimé s’en était allé "au bout du petit matin", l’une des formules magiques de son « Cahier d’un retour au pays natal », cri poétique né d’une crise d’identité. Jour pour jour, un an après la mort d’Aimé Césaire, le Guadeloupéen Jacques Martial, comédien et président du Parc de la Villette, dira encore une fois ce texte culte, écrit pour "ceux sans qui la terre ne serait pas la terre". Et, comme chaque fois, tout le monde aura des frissons.

Une esthétique de la récupération, du bricolage et du second degré.

L’événement aura pour décor la Grande Halle de la Villette, où vient de s’ouvrir l’exposition Kréyol Factory, précisément dédiée à Césaire. A quelques stations de métro du Grand Monde d’Andy Warhol au Grand Palais, une autre « factory » version créole. Soixante artistes contemporains venus de Jamaïque, de Guyane, de La Réunion, d’Haïti ou de Porto Rico qui ont en commun l’histoire de l’esclavage, une forme de colonisation et l’arc-en-ciel des phénotypes. Et déploient avec autant de provocation que d’humour, d’inventivité que de force, leur imagination de « fils de gouffre », selon la belle formule de Glissant et Chamoiseau. Quel gouffre ? Celui de l’Atlantique, cet océan inconnu, ce cimetière sous-marin. Ici, une installation figure la mer Caraïbe, composée de tongs azur et outremer, dont la lanière est de fil barbelé. Là, quarante figurines faites de lambeaux d’étoffe comme autant de fragments d’identités. Ailleurs encore, des photos de superhéroïnes, Barbarella Black libérant Oncle Ben. Bienvenue dans une esthétique de la récupération, du bricolage et du second degré.

Si Césaire se promenait...

Si Césaire, père de la négritude, se promenait dans ce parcours en forme de quête identitaire, gageons qu’il sourirait du détournement malicieux que réserve le chapitre « Noir comment ? » : un bonhomme Michelin tout noir à la coupe afro et ce bébé, « Nègre colonial », perdu, l’index sur les lèvres... Lui qui a trouvé ses racines africaines dans les écrits du Sénégalais Senghor, les représentations ironiques ou douloureuses des rapports dominants/dominés de ces « îles sous influences » le laisseraient sûrement songeur...

Des « pays mêlés », méconnus derrière leur exotisme de façade

Evidemment, dans ces mondes-là, qui vont du rivage pollué d’une île oubliée aux mégalopoles où se côtoient fébrilement toutes les diasporas, tout est si compliqué. Mais ils ressemblent aussi diablement à notre aujourd’hui métissé, fait de mouvements et de rencontres. Pour nous guider dans la complexité des trajectoires, la romancière guadeloupéenne Maryse Condé et toute une pléiade d’écrivains, de Zadie Smith à Le Clézio, commentent et décodent ces « pays mêlés », si méconnus derrière leur exotisme de façade. Depuis ce petit matin du « Cahier d’un retour au pays natal », que de chemin parcouru... Mais Césaire n’y écrivait-il pas déjà : « Faites de moi un homme d’initiation / faites de moi un homme de recueillement / mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement » ?

Kréyol Factory, jusqu’au 5 juillet. Parc de la Villette. Le 17 avril à 19 heures, hommage à Césaire. « Cahier d’un retour au pays natal ». Catalogue (Gallimard, « Découvertes-Connaissance », 192 p., 25 E).

Lire aussi le hors-série du Point « Malcolm X, Aimé Césaire, Martin Luther King, Frantz Fanon... La pensée noire, les textes fondamentaux », en kiosque, 130 pages, 6,50 E.

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