vendredi 27 septembre 2024

René ou ka voyajé

 


Mon fidèle parmi les fidèles, mon ami, mon frère, l'indomptable René Silo est parti jeudi et je suis inconsolable. Triste, triste à pleurer. C'est une partie de moi-même que j'ai perdue, de ce passé militant partagé avec lui, de ces moments exceptionnels de fraternité et d'amitié absolue.

J'avais quitté précipitamment la région où nous siégions en plénière pour le rejoindre en soins palliatifs. C'est comme si je sentais qu'il m'appelait et que je devais faire vite. Il ne répondait déjà plus à ses deux filles, à son épouse et à Katiana qui m'avait prévenu. En entendant ma voix, il est sorti de sa léthargie comme un miracle, a ouvert les yeux, m'a souri, m'a dit qu'il était content que je sois là et nous avons parlé quelques minutes, ses dernières minutes. Des mots précieux, volés dans un dernier sursaut à la mort qui se rapprochait. Au texto de Valérie Pécresse me demandant de l'embrasser, il a dit: "elle est formidable cette Dame". Cela a été ses derniers mots. Il a ensuite tourné la tête et est entré doucement dans un autre monde.

Je n'imaginais pas qu'il allait partir si vite.

Une semaine avant, il m'accueillait à Ris-Orangis chez Katiana qui partageait sa maladie depuis un an. Elle avait eu la délicatesse de s'éclipser pour nous laisser avec nos souvenirs. 

Nous étions inséparables depuis un quart de siècle. Précurseur de l'influence ultramarine dans l'hexagone, il était un militant acharné pour le sport et les outre-mer. Il a été de tous mes combats, toujours à mes côtés au Collectifdom, à la délégation interministérielle, pendant le CIOM, au CREFOM que j'ai créé, à la région Île-de-France, avec Valérie Pécresse. Trop faible pour se déplacer, je lui avais dédié publiquement le chanté nwel de décembre 2023 qu'il manquait pour la 1ère fois. Nous avons longuement parlé cet après-midi-là, de son enfance à Trois-Rivieres, de la mort de sa mère, de cette femme qui l'avait prévenu en lui demandant d'arrêter de siffloter en rentrant de l'école, de son enfance tourmentée, de son parcours qui l'avait conduit dans l'hexagone, de ses engagements, de notre rencontre et de nos combats, de la médaille de la jeunesse et des sports que je lui avais remise, du comité des sages qu'il avait créé avec Henri Bortalis et Freddy Loyson pour trancher les querelles associatives. De mille choses.

En le voyant si fort, je ne pouvais pas imaginer qu'il ne lui restait qu'une semaine à vivre.

René est parti vers d'autres rives. Et je pense à lui, à ceux qu'il a laissé, aux milliers de jeunes qu'il a sauvé de la rue, aux centaines d'Antillais entrés à la RATP grâce à lui, à ces dizaines d'associations qu'il a soutenues. A nos compagnons de lutte. 

Bon voyage vieux frère. Adan an dot soley!


Patrick Karam 



mardi 16 janvier 2024

CARNAVAL . D'où vient exactement " le Touloulou " ?


Auteur d'un ouvrage sur le carnaval il y a une dizaine d'années, Aline Belfort a travaillé plus récemment sur l'origine du touloulou, histoire de couper court à la polémique qui en ferait une création martiniquaise.
Guyanaise installée en Martinique, Aline Belfort s'intéresse de près au carnaval. Il y a une dizaine d'années, elle publiait, chez Ibis Rouge, « Le bal paré-masqué un aspect du carnaval de la Guyane française » .
Il y a quelques mois, elle a mené une étude sur un aspect bien spécifique de notre carnaval.
Pas dans l'optique de sortir un ouvrage. « C'est simplement pour apaiser la polémique qu'il y a entre la Martinique et la Guyane sur l'appropriation et la territorialisation du touloulou et du bal paré-masqué » explique-t-elle.
Aline Belfort fait allusion à une discussion qui revient souvent : pour certains, le touloulou vient de la Martinique, et plus précisément de Saint-Pierre.
Pour d'autres, le touloulou est bel et bien un pur produit guyanais. Alors qui dit vrai ? S'appuyant sur une recherche documentée, Aline Belfort est catégorique : le touloulou a pris naissance en Guyane. La confusion vient peut-être du fait qu'à ses belles heures - avant l'éruption de la Montagne Pelée en 1902 - la ville de Saint-Pierre, en Martinique, était réputée pour son carnaval. « Il était réputé pour être le plus beau de la Caraïbe, avec celui de Trinidad » , assure l'auteur.
L'INTRODUCTION DU TOULOULOU EN MARTINIQUE DATE DE 1973
Pour Aline Belfort, il faut, d'abord, replacer le mot touloulou dans son contexte. « Le terme vient du mot « tourloulou » qui, à l'origine, désignait un fantassin, un soldat, explique-t-elle. En Guyane, il désigne une personne masquée, mais en Martinique, il désigne un petit crabe rouge. Dans les premiers écrits sur le carnaval en Martinique qui datent de 1881, on parle de bal et on utilise le mot « masqué » . Avant 1848 et l'abolition de l'esclavage, il existait en Martinique un bal Nègre, où les esclaves se déguisaient avec de grandes robes. »
Aujourd'hui, les touloulou existent bel et bien en Martinique. Au fil de ses recherches, Aline Belfort a pu déterminer le moment où le personnage typique du carnaval de Guyane a été introduit dans l'île. « Nous devons l'introduction du bal paré-masqué en Martinique à un couple, Albert et Ghislaine Glaudon suite à leur participation au carnaval de Guyane en 1973. Ils ont refait des bals chez eux. Ce qui était une manifestation privée a été ouverte au public, notamment dans une boîte de nuit réputée, le Tam-Tam. »
Si le carnaval de Guyane s'est ainsi exporté vers la Martinique, Aline Belfort tient à rappeler que certaines chansons du carnaval de Guyane tiennent leur origine du carnaval de Saint-Pierre. Et là, sans surprise, les échanges se sont faits à partir de 1902, date à laquelle des Pierrotins se sont installés en Guyane, fondant Montjoly.

les Diables Rouges du Mardi Gras .



"Le diable du carnaval est une adaptation originale et étrange du peuple martiniquais. Ce déguisement magnifique et extraordinaire est difficile à réaliser et aussi à porter. Seuls, quelques spécialistes arrivent à le faire. La tête lourde et encombrante est construite avec des peaux de bête (cabri ou mouton), d’une profusion de cornes de bovidés qui jaillissent de toutes parts (Le nombre de cornes varie selon les témoignages (3 à 45), (15 à 16)) qui sont peintes en couleurs différentes et par devant, un masque hideux qui montrait les dents, pour lequel on utilise parfois le squelette de la mâchoire d’un requin ou d’un animal quelconque, des nattes ou des crinières pendent de tous les côtés. Cette tête surmonte un genre de combinaison en toile rouge sur laquelle sont collés des centaines de petits miroirs qui scintillent à la lumière. Il y a aussi des quantités de grelots qui sont cousus sur le vêtement et qui tintent à ses moindres mouvements. Dans la partie postérieure, une longue queue garnie de grelots est fixée, que le diable rouge déploie et fait tournoyer par moments ou qu’il s’enroule à la taille, à d’autres.

Fourche rouge à la main, ils attaquent, piquent, effrayent, gesticulent, foncent sur les enfants qui hurlent de frayeur : diab-la ka mandé an ti-manmay, an timanmay qui san batem ! Car il s’agit d’effrayer en s’amusant et en amusant les autres.
On peut distinguer différents diables rouges, le masque n’est pas figé, sa réalisation suit certaines constantes liées à l’imaginaire et au substrat mental de son concepteur. Très lourde, la tête pèse environ 10 kilos. Le diable rouge est suivi d’une kyrielle de diablotins qui forment le choeur de son chant et qui battent des mains tous ensemble et donnent la voix avec une simultanéité qui prouve combien le rythme fait partie d’un sentiment musical naturel à l’Africain. Le cortège est plus ou moins strict.
Aujourd’hui, il faut compter avec la modernisation, d’autres modes de fabrication qui n’enlèvent en rien à la beauté des masques, au pouvoir et à l’attrait des Diables rouges qui est le personnage essentiel du carnaval de la Martinique, Il est le roi du mardi gras, qui se distingue des autres jours par la couleur dominante portée aussi bien par le diable, ses diablotins (sans grosse tête, ni miroirs) et les carnavaliers.
« Un jour, j’ai eu choc, j’étais au Sénégal, en Casamance, lors d’une grande fête de village. Brusquement, je vois débouler mon diable, le boeuf du mardi-gras martiniquais avec son habit rouge constellé de miroirs, sa queue et ses cornes de bovidé. Je me précipite sur un villageois, je lui demande ce que c’est, ce qu’est ce masque, et ce qu’il représente pour lui. Il me répond que c’est le masque de ceux qui ont subi l’initiation. Il m’a expliqué que les cornes de bovidé c’était le symbole de la richesse temporelle, et que les miroirs mis côte à côte, c’était le symbole de la connaissance, autrement dit le symbole de la richesse spirituelle ».
Aimé CESAIRE, conférence société et littérature.

René ou ka voyajé

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