lundi 18 novembre 2013

Extrait de "LA BATAILLE DE VERTIERES CONTINUE" Discours prononcé par Louis Mercier à Vertières le 18 Novembre 1936



"...La dernière bataille eut lieu à Vertières, dans ce terrain capricieux et inégal, aux pièges infinis et que nos yeux contemplent. On se battit pendant toute une journée avec la rage du désespoir d’un côté et l’ivresse de la victoire de l’autre, dans le camp noir.

"Derrière Rochambeau, il n’y avait pas seulement 5,000 soldats. Toutes les nations, debout, lui prêtaient une assistance morale. On se battait pour le maintien d’une institution séculaire, armature de l’Europe. Le Général français savait que la défaite de l’armée française allait ruiner le prestige de l’Europe en Amérique et préparer la voie de l’émancipation de toutes les colonies américaines. Lui, vaincu, c’en était fait de L’Europe en Amérique.

"Que d’ombres sur ce champ de bataille ont dû protéger les guerriers noirs. Les balles ne pouvaient pas atteindre un Capois-la-Mort, un Daut, un Gabart et tant d’autres, car 300 millions de victimes anonymes leur offraient un bouclier invisible.

"Pour animer le courage de Dessalines et lui inspirer les gestes à faire, il n’y avait pas seulement le génie puissant de Toussaint-Louverture ; pour seconder ses efforts, il n’y avait pas seulement des soldats loqueteux, affamés, vêtus de peaux de bête ou d’uniformes disparates, armés de mauvais fusils ou de “cercles à barriques”, il y avait, battant la charge, sonnant du clairon, la LIBERTE, cette Déesse heureuse d’être libérée par des Noirs, qui allait reprendre son vol large et, partant d’Haïti, se poser sur toute la terre pour y répandre le baume salutaire de la Charité et de la Fraternité.

"Quel assourdissant fracas de canon! Quelle fusillade meurtrière! Quel cliquetis épouvantable d’armes qui s’entrechoquent ! Cris désespérés des mourants! Appels sinistres des blessés! Invectives des ennemis! Cadavres gisant froids et sanglants sur l’immense champ de bataille qui s’étend du village du Haut-du-Cap jusqu’aux mornes du Cap ! Chevaux qui s’abattent tandis que les cavaliers se redressent, sabre au clair, en criant “En avant!” Généraux qui s’avancent sans sourciller sous le feu meurtrier des canons et des fusils ! Epaulettes et chapeaux qui volent dans l’air, arrachés par des boulets! Soldats qui vont l’arme au bras, méprisant souverainement la mort! Charge de cavalerie! Salut chevaleresque de l’armée française indomptée et invaincue à l’armée indigène indomptable et invincible! Ondée bienfaisante qui vient calmer l’ardeur guerrière des combattants! La retraite précipitée de Rochambeau! La capitulation! L’entrée des troupes au Cap, dans cette citadelle historique dont les trois portes sont protégées par trois forts célèbres ; La Nativité, Vertières, Picolet, formant un triangle symbolique. L’Indépendance venant consolider la Liberté. Le miracle inouï, extraordinaire s’était accompli. Pour la première fois, dans les annales de l’Humanité, des esclaves révoltés avaient eu raison de leurs maîtres arrogants et les avaient jetés à la mer. Haïti a été le théâtre de cet évènement : Vertières devenant le tombeau de l’esclavage..."

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