Je me surprends souvent à croire que je peux vivre sans le monde ou plutôt dans un petit monde à moi. Mon petit coin perdu, entre ciel et mer semble bien me suffire. Loin de tout, je vagabonde avec mes rêves tout comme dans mes randonnées à travers ces sentiers perdus, autrefois foulés par les marrons de la liberté. Je revois mon pays, cette perle des Antilles, à l'époque forêt ou le figuier, le mapou, le cèdre, le sablier, l’acajou, le trompete, le casque, l’indigotier, le saman, l’abricotier abritaient fièrement sous leurs pieds ces hordes d’hommes et de femmes révoltés en quête d’un repos bien mérité après une nuit de combat contre ces étrangers qui dérangent.
Je suis leurs traces, un peu peureuse, mais mes pas incertains ne cessent de me guider vers ces caves et ces grottes qui ont servis a l'époque à cacher un de ces hommes, évadé d’habitations prisons, traqué par ces chiens et ces hommes à cheval prêt à leur ôter la vie. Je nomme ceux que j’ai connu dans mes visions, je salue leur mémoire en jetant ici trois gouttes d’eau ou plutôt en laissant la brise jouer avec la flamme d’une bougie ou encore en y jetant du clairin et plutôt sept pièces de monnaie avant de “jamber” une rivière…
Je chante aussi sur les routes mêlant ma voix Claire à celle des oiseaux, des cigales, des coqs et des poules jacassant après une pondaison. Il y a aussi ces rencontres avec un des descendants de marrons, aujourd’hui appelés “neg andeyo” et pourtant si incrustés dans ces terres.
Ou êtes vous donc aujourd’hui ?
Il semble que le besoin de liberté se fait encore sentir chez nous. Il semble que la Fraternité fait encore rêver chez nous. Il semble que l’égalité reste encore une chimère chez nous… Il semble qu’on a besoin de vous, Zinga, Larose, Kange, Sylla, Sanglaou, Anbwase, Ganga, Makaya, NoelPriyeur, Sousi,Kpoul, Alaou, Yayou, Papillon, Toya, Klermesine, Henriette, Cécile, Marinette, Marijanne, Romène La Prophétesse…. esprits guerriers de Jean Francois, de Biassou,de Bookman, de Papillon, de Dessalines, de Fatra baton, de Télémaque venez donc hanter les nuits de nos hommes trop enclins ces jours-ci a vendre leur dignité pour quelques sous...
Je souris, déjà partie, yeux ouverts vers ce passé qui m’obsède et qui donne aussi un sens á ma vie d'aujourd’hui… puisque je vis sur leurs traces…
O Ludmilla Joseph
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