mercredi 30 mai 2007

Aimé Césaire, fidèle à lui-même

Alors que plusieurs controverses surgissent sur le passé colonial de la France et sur l’esclavage, Françoise Vergès est allée à la rencontre d’Aimé Césaire en juillet 2004 à Fort-de-France, en Martinique. Dans ces entretiens, le chantre de la négritude se remémore ses souvenirs et ses combats.

Tout commence par le refus de l’assimilation. Au début des années 1930, le jeune Césaire refuse de jouer le jeu du milieu petit-bourgeois martiniquais, dont l’art poétique se résume à quelques alexandrins surannés. C’est donc sans regret qu’il part étudier à Paris, ville synonyme, pour lui, de liberté. A Louis-le-Grand, il rencontre Léopold Sédar Senghor, qui fait de lui son “bizuth”. Dans les salons des sœurs Nardal, il découvre les poètes noirs américains, les premiers à affirmer leur identité à travers la “Négro-renaissance”. Au sein de la revue L’Etudiant noir, créée en 1934, Césaire, Senghor et le poète guyanais Léon Damas popularisent le concept de “négritude”. “Rendons à Césaire ce qui appartient à Césaire”, aimait à dire Senghor, quand on lui prêtait à tort la paternité du mot : c’est sous la plume du poète martiniquais que le terme “négritude” apparaît pour la première fois en 1939, dans son Cahier d’un retour au pays natal. Le poème est publié à un tirage confidentiel, avant d’être redécouvert et célébré par André Breton lors d’un voyage aux Antilles en 1941.

Contre l’asservissement, la fraternité

A 92 ans, Aimé Césaire ne se départit pas de sa modestie et s’étonne encore de l’intérêt suscité par ses écrits passés. La clairvoyance de ses propos reste intacte. Analysant le mal-être antillais et la trace inexorablement laissée par l’esclavage, il dénonce l’universalisme à la française, l’asservissement tout comme l’assimilation qui nie la spécificité de l’autre. Il reste méfiant face à l’idée de réparation (“pour moi, c’est irréparable”), mais il exige le soutien de l’Occident “pour aider les pays à se développer, à renaître”. Tout en affirmant son identité noire, Césaire a toujours cherché à s’ouvrir au monde. Prônant un nouvel humanisme, il défend la fraternité et le dialogue entre les civilisations. A Fort-de-France, il garde cette dimension altruiste : il s’enquiert de la vie de tous et accueille quiconque désire lui parler. A une exception près, et de taille. Malgré sa timidité, Césaire a toujours refusé d’être instrumentalisé, que ce soit par le Parti communiste hier ou par le ministre de l’Intérieur aujourd’hui. Resté fidèle à lui-même et à ses convictions, il a préféré refuser cette entrevue-là et, surtout, une poignée de main dont la portée l’aurait dépassé. Un exemple à méditer dans ce tout-monde médiatique.

Aimé Césaire
Nègre je suis, nègre je resterai : entretiens avec Françoise Vergès
Albin Michel, 14 euros.


Sandrine Marziani
[www.stopinfos.com]

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