lundi 28 mai 2007

Cahier d'un retour au pays natal - extraits



En vain dans la tiédeur de votre gorge mûrissez-vous vingt fois la même pauvre consolation que nous sommes des marmonneurs de mots

Des mots ? quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots, ah oui, des mots ! mais des mots de sang frais, des mots qui sont des raz-de-marée et des érésipèles et des paludismes et des laves et des feux de brousse, et des flambées de chair, et des flambées de villes...

Sachez-le bien:
je ne joue jamais si ce n'est à l'an mil
je ne joue jamais si ce n'est à la Grande Peur

Accommodez-vous de moi. Je ne m'accommode pas de vous !

Parfois on me voit d'un grand geste du cerveau , happer un nuage trop rouge
ou une caresse de pluie, ou un prélude du vent,
ne vous tranquillisez pas outre mesure :

Je force la membrane vitelline qui me sépare de moi-même,

Je force les grandes eaux qui me ceinturent le sang

C'est moi rien que moi qui arrêtes ma place sur le dernier train de la dernière vague du dernier raz-de-marée.

C'est moi rien que moi
qui prends langue avec la dernière angoisse
C'est moi oh, rien que moi
qui m'assure au chalumeau
les premières gouttes de lait virginal !

Et maintenant un dernier zut :
au soleil (il ne suffit pas à soûler ma tête trop forte)
à la nuit farineuse avec les pondaisons d'or des lucioles incertaines
à la chevelure qui tremble tout au haut de la falaise
le vent y saute en inconstantes cavaleries salées
je lis bien à mon pouls que l'exotisme n'est pas provende pour moi

Au sortir de l'Europe toute révulsée de cris
les courants silencieux de la désespérance
au sortir de l'Europe peureuse qui se reprend et fière
se surestime
je veux cet égoïsme beau
et qui s'aventure
et mon labour me remémore d'une implacable étrave.

Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes. Elles sont couvertes de têtes de morts. Elle ne sont pas couvertes de nénuphars. Dans ma mémoire sont des lagunes. Sur leurs rives ne sont pas étendus des pagnes de femmes.
Ma mémoire est entourée de sang. Ma mémoire a sa ceinture de cadavres !
et mitraille de barils de rhum génialement arrosant nos révoltes ignobles , pâmoisons d'yeux doux d'avoir lampé la liberté féroce

(les nègre-sont-tous-les-mêmes, je-vous-le-dis
les vices-tous-les-vices, c'est-moi-qui-vous-le-dis
l'odeur-du-nègre, ca-fait-pousser-la-canne
rappelez-vous-le-vieux-dicton:
battre-un-nègre, c'est le nourrir)

amour des rocking-chairs méditant la volupté des rigoises
je tourne, inapaisée pouliche
Ou bien tout simplement comme on nous aime !
Obscènes gaiement, très doudous de jazz sur leur excès d'ennui.
Je sais le tracking, le Lindy-hop et les claquettes.
Pour les bonnes bouches la sourdine de nos plaintes enrobées de oua-oua. Attendez..
Tout est dans l'ordre. Mon bon ange broute du néon. J'avale des baguettes. Ma dignité se vautre dans les dégobillements...

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