Ce sont pour la grande majorité des travailleurs, des pauvres, des gens simples qui par milliers ont assisté aux cérémonies qui ont entouré la mort d'Aimé Césaire en Martinique. Et, plus que les « obsèques nationales », plus que la couverture médiatique considérable, plus que les délégations « officielles » incarnées par Sarkozy et sa brochette de ministres, les délégations de politiciens de tout bord issus de la Martinique et de la Guadeloupe, d'artistes et d'intellectuels, c'est cet hommage populaire qui fut particulièrement significatif durant ces journées de deuil.
Ce que le petit peuple de Fort-de-France, celui des quartiers de Citron, Trénelle, Volga ou Texaco, a exprimé en tout premier lieu, c'est le résultat de l'action de Césaire, qui en un demi-siècle aura permis à plus d'un de trouver un logement décent, de l'eau courante, de l'électricité, du travail, une vie plus décente. La mémoire collective n'a pas oublié les descentes de Césaire dans le quartier pauvre de Texaco, où il faisait face aux gendarmes qui voulaient démolir les maisons des pauvres. On était dans les années 1950 et ces troupes avaient la gâchette facile et « cassaient du nègre », comme le disaient les gendarmes coloniaux eux-mêmes.
Contre le colonialisme, pour la dignité des Noirs.
Césaire, comme bon nombre d'intellectuels de son époque, adhéra très tôt à la fédération martiniquaise du Parti Communiste Français. C'est en tant que membre de ce parti qu'il fut élu maire de Fort-de-France et député dès 1945. En 1956, il se sépara du PCF, et créa le PPM (Parti Progressiste Martiniquais) en mars 1958. C'est sous cette étiquette qu'il continua pendant près de trente-cinq ans à être maire et député de Fort-de-France.
Au début de sa carrière politique, Aimé Césaire s'est attaqué avec énergie à éradiquer l'extrême dénuement qui frappait alors la population pauvre de Fort-de-France. En effet, après la Deuxième Guerre mondiale, cette ville était un immense taudis où des milliers de gens s'entassaient, en butte à un chômage endémique, au manque d'hygiène et aux maladies qui faisaient des ravages. Les travailleurs et les pauvres étaient écrasés par l'exploitation féroce des capitalistes locaux, mais c'était aussi la conséquence d'une oppression coloniale directe et violente.
Avec Césaire, pour la première fois, les travailleurs martiniquais voyaient un Noir défendre leurs droits à une vie matérielle et morale plus digne. Et qui plus est, c'était l'un des tous premiers Noirs diplômés, agrégé de lettres et écrivain, pouvant parler d'égal à égal avec les gouverneurs blancs, puis les préfets et autres ministres blancs ou présidents de la République de passage, en les forçant au respect. Et en plus il s'agissait d'un Noir qui affirmait que les Noirs devaient relever la tête, qui parlait au nom « de millions d'hommes à qui l'on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme » (Discours sur le colonialisme).
Les limites d'une politique.
Tout au long de sa carrière, Aimé Césaire a aussi cependant été un notable somme toute modéré, un homme politique qui aura longtemps siégé avec les socialistes à l'Assemblée nationale. Et même si ce fut avec des variantes, c'est toujours la politique du Parti Socialiste français qu'il soutint tout au long de sa carrière politique, même aux heures les plus sombres des guerres coloniales d'Indochine ou d'Algérie, même quand ces guerres étaient menées par des ministres socialistes.
Fort de son image de défenseur de la dignité noire, lui et l'appareil politique du PPM servirent également de soupape de sûreté, de garants de la paix sociale aux différents gouvernements de gauche qui se succédèrent entre 1981 et 2002 et qui pourtant menaient une politique de soutien au grand patronat et d'austérité pour les travailleurs.
Certes, l'un des grands mérites d'Aimé Césaire est d'avoir dénoncé le colonialisme et ses méfaits dans de nombreux écrits, articles et discours. Il le fit à travers une œuvre poétique et théâtrale reconnue mondialement. Mais dénoncer le colonialisme et revendiquer la dignité de la race noire n'était que la dénonciation de certains aspects du système capitaliste, pas la remise en cause du système lui-même.
Lorsqu'il fut porté à la députation, Césaire bénéficia de l'influence du Parti Communiste, très ancré à l'époque dans la classe ouvrière. Le PPM devait hériter pendant longtemps d'une partie de cette implantation au sein des masses pauvres. Et c'est tout naturellement que le fondateur du mouvement de la « négritude » bénéficia politiquement du désir d'émancipation coloniale et sociale de la masse des travailleurs noirs. Mais Césaire ne représentait qu'une partie de leurs aspirations. Il représentait les Noirs, mais pas forcément les intérêts de classe des travailleurs noirs et des Noirs pauvres.
Ce que le petit peuple de Fort-de-France, celui des quartiers de Citron, Trénelle, Volga ou Texaco, a exprimé en tout premier lieu, c'est le résultat de l'action de Césaire, qui en un demi-siècle aura permis à plus d'un de trouver un logement décent, de l'eau courante, de l'électricité, du travail, une vie plus décente. La mémoire collective n'a pas oublié les descentes de Césaire dans le quartier pauvre de Texaco, où il faisait face aux gendarmes qui voulaient démolir les maisons des pauvres. On était dans les années 1950 et ces troupes avaient la gâchette facile et « cassaient du nègre », comme le disaient les gendarmes coloniaux eux-mêmes.
Contre le colonialisme, pour la dignité des Noirs.
Césaire, comme bon nombre d'intellectuels de son époque, adhéra très tôt à la fédération martiniquaise du Parti Communiste Français. C'est en tant que membre de ce parti qu'il fut élu maire de Fort-de-France et député dès 1945. En 1956, il se sépara du PCF, et créa le PPM (Parti Progressiste Martiniquais) en mars 1958. C'est sous cette étiquette qu'il continua pendant près de trente-cinq ans à être maire et député de Fort-de-France.
Au début de sa carrière politique, Aimé Césaire s'est attaqué avec énergie à éradiquer l'extrême dénuement qui frappait alors la population pauvre de Fort-de-France. En effet, après la Deuxième Guerre mondiale, cette ville était un immense taudis où des milliers de gens s'entassaient, en butte à un chômage endémique, au manque d'hygiène et aux maladies qui faisaient des ravages. Les travailleurs et les pauvres étaient écrasés par l'exploitation féroce des capitalistes locaux, mais c'était aussi la conséquence d'une oppression coloniale directe et violente.
Avec Césaire, pour la première fois, les travailleurs martiniquais voyaient un Noir défendre leurs droits à une vie matérielle et morale plus digne. Et qui plus est, c'était l'un des tous premiers Noirs diplômés, agrégé de lettres et écrivain, pouvant parler d'égal à égal avec les gouverneurs blancs, puis les préfets et autres ministres blancs ou présidents de la République de passage, en les forçant au respect. Et en plus il s'agissait d'un Noir qui affirmait que les Noirs devaient relever la tête, qui parlait au nom « de millions d'hommes à qui l'on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme » (Discours sur le colonialisme).
Les limites d'une politique.
Tout au long de sa carrière, Aimé Césaire a aussi cependant été un notable somme toute modéré, un homme politique qui aura longtemps siégé avec les socialistes à l'Assemblée nationale. Et même si ce fut avec des variantes, c'est toujours la politique du Parti Socialiste français qu'il soutint tout au long de sa carrière politique, même aux heures les plus sombres des guerres coloniales d'Indochine ou d'Algérie, même quand ces guerres étaient menées par des ministres socialistes.
Fort de son image de défenseur de la dignité noire, lui et l'appareil politique du PPM servirent également de soupape de sûreté, de garants de la paix sociale aux différents gouvernements de gauche qui se succédèrent entre 1981 et 2002 et qui pourtant menaient une politique de soutien au grand patronat et d'austérité pour les travailleurs.
Certes, l'un des grands mérites d'Aimé Césaire est d'avoir dénoncé le colonialisme et ses méfaits dans de nombreux écrits, articles et discours. Il le fit à travers une œuvre poétique et théâtrale reconnue mondialement. Mais dénoncer le colonialisme et revendiquer la dignité de la race noire n'était que la dénonciation de certains aspects du système capitaliste, pas la remise en cause du système lui-même.
Lorsqu'il fut porté à la députation, Césaire bénéficia de l'influence du Parti Communiste, très ancré à l'époque dans la classe ouvrière. Le PPM devait hériter pendant longtemps d'une partie de cette implantation au sein des masses pauvres. Et c'est tout naturellement que le fondateur du mouvement de la « négritude » bénéficia politiquement du désir d'émancipation coloniale et sociale de la masse des travailleurs noirs. Mais Césaire ne représentait qu'une partie de leurs aspirations. Il représentait les Noirs, mais pas forcément les intérêts de classe des travailleurs noirs et des Noirs pauvres.
Tout comme les socialistes français, Césaire s'attaqua certes à gommer certaines inégalités les plus criantes, mais il ne devait jamais remettre en cause fondamentalement l'ordre des gros possédants békés et autres capitalistes. C'est en ce sens que l'action politique de Césaire s'est cantonnée aux limites d'une politique bourgeoise.
Pierre-Jean CHRISTOPHE
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire