samedi 19 avril 2008

Les admirateurs d'Aimé Césaire lui rendent un dernier hommage sur le Web



Au lendemain de la mort d'Aimé Césaire, les témoignages d'affection au poète martiniquais se multiplient sur le Web. Il y a d'abord ceux qui racontent une histoire d'amour qui a changé leur vie. "Aimé Césaire, c'est toute mon initiation, c'est tout mon parcours, mon éveil aux choses publiques, ma prise de conscience de femme martiniquaise, de femme noire, fière de l'être", se souvient Madeleine Jouye de Grandmaison, député européen (PC) de Martinique. "Aimé Césaire nous a façonnés ; nous sommes des enfants de Césaire et des enfants du monde, dans le même mouvement."

Nordine Nabili, rédacteur en chef du Bondy blog, raconte comment il a découvert les écrits du poète. C'était "en 1982, par hasard au détour d'un rayon de la bibliothèque de mon lycée. Un miracle en réalité. On nous avait dit d'aller passer l'heure au CDI parce que l'un de nos profs avait du retard". Le livre, Cahier d'un retour au pays natal, est une révélation."Césaire nous a quittés mais son empreinte (...) sera toujours visible, comme le phare à l'approche des côtes. Merci, Monsieur Césaire, d'avoir mis votre boussole à notre disposition."

Sur Internet, il y a aussi les admirateurs, très nombreux, qui célèbrent la fierté retrouvée par la "négritude". Dans une Lettre à l'aîné de la tribu, l'écrivain Emmanuel Dongala rend hommage à "l'immense baobab de la poésie" qu'était, selon lui, Aimé Césaire. "Ce mot 'nègre' qu'on te lançait, que dis-je, qu'on nous lançait comme une insulte, comme une provocation, tu l'as ramassé, tu l'as positivé et tu l'as flanqué fièrement à la figure de ceux qui le proféraient."

Pour Frank Salin, sur Afrik.com, "la négritude (...) n'est pas un concept périmé" car "la mésestime de soi qu'ont enraciné la servitude et la colonisation dans les esprits des Africains et de leurs descendants aux Amériques n'a pas totalement disparue. De même que le racisme anti-nègre vit toujours". Dans Les retrouvailles de la négritude, un blogueur voit dans la "négritude" un "concept qui a fait irruption dans un espace pollué par le 'rire banania' pour y décliner une humanité enfouie en chacun de nous".

HÉRITAGE EN QUESTION

Mais des aspects plus polémiques sont également abordés. Sur Afrik.com, Frank Salin s'interroge sur "l'héritage" d'Aimé Césaire. "Si son génie littéraire paraît aujourd'hui incontesté, il en va autrement de sa pensée et de son action politique. Quel héritage le père de la négritude laisse-t-il au monde ?", se demande-t-il. L'éditorialiste rapporte les reproches adressés à Césaire, pour son "manque d'adéquation entre son engagement littéraire et sa vie politique. Peut-on avoir voté la loi de départementalisation en 1946 et être un militant anticolonialiste ? Peut-on prêcher l'émancipation des peuples en participant au jeu politique établi par la France ? Peut-on être maire et député français pendant un demi-siècle et dans le même temps défendre l'idée d'une autonomie pour la Martinique ?"

Sur un blog consacré au poète martiniquais, Amadou Iamine Sall, président de la Maison africaine de la poésie internationale, balaie ces critiques et rapporte simplement les propos du poète :"Prenez ma poésie comme une revanche sur ma politique !" Pour Aimé Césaire, estime-t-il,"l'indépendance, la vraie" fut "de se décoloniser culturellement. Là fut son vrai et profond combat".

LE PANTHÉON EN DÉBAT

L'écrivain Claude Ribbe, historien de la diaspora africaine, adresse une lettre au président de la République pour demander que la dépouille d'Aimé Césaire soit transférée au Panthéon le 10 mai, date anniversaire de la commémoration de l'abolition de l'esclavage. "Plutôt que d'enterrer la loi du 10 mai 2001 par un ridicule spectacle de patronage, indigne de votre présence et qui irriterait l'outre-mer, vous pourriez ce jour-là honorer les descendants d'esclaves en accompagnant au Panthéon l'un des plus grands d'entre eux, l'auteur du Discours sur le colonialisme et de Toussaint Louverture".

Mais cette proposition fait débat. Parmi les réactions à la lettre de l'écrivain Emmanuel Dongala, un internaute dénonce violemment"le cynisme dans la récupération politique des obsèques du grand ami de Senghor, sachant qu'il y a tout juste deux ans, les députés français de droite comme de gauche ont voté une loi proclamant que la colonisation française a été un acte positif". A ceux qui émettent l'idée de transférer la dépouille du poète au Panthéon, cet internaute demande pourquoi "on ne lui a pas fait tous ces honneurs de son vivant en lui attribuant le prix Nobel de la littérature ou de la paix, ou mieux en le faisant entrer à l'Académie française".

Un autre internaute estime, dans son blog, qu'Aimé Césaire "était profondément Martiniquais et avant tout Martiniquais. (...) Cet homme qui aimait sa terre et son peuple plus que tout doit rester sur cette terre avec son peuple qu'il aimait plus que tout. Il n'a rien à faire dans un Panthéon froid et glacé. Il est de la Martinique, pas de la France même s'il appartient au monde".

François Béguin

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