jeudi 17 avril 2008

Aimé Césaire, "éveilleur de liberté" pour des générations d'écrivains

Le poète Aimé Césaire, décédé jeudi à Fort-de-France (Martinique), a eu une influence majeure sur plusieurs générations d'écrivains et d'intellectuels dans le monde, sans jamais se poser en "maître à penser".

"Césairiens" ou "césairistes", la plupart des écrivains des Caraïbes ont pris de plein fouet, souvent très jeunes, une oeuvre qui s'est propagée avec les mouvements de lutte contre la colonisation.

"Il y a une dimension humaine très forte chez Césaire, mais ce n'est surtout pas un maître à penser. Plutôt un frère à créer", résume le Guadeloupéen Daniel Maximin, qui a travaillé ces 25 dernières années à l'édition de son oeuvre.

"Il n'y a pas d'+Ecole Césaire+. Ce qui est fondamental, c'est qu'il demande à chacun de prendre sa propre parole, de créer ce qu'il a à créer, et c'est la même chose en politique", poursuit-il.

Dès 1944 et la libération des Antilles, Aimé Césaire se rend en Haïti pour une série de conférences et toute une génération de compagnons de route du poète martiniquais se répand dès cette époque dans les Caraïbes.

En 1950, la publication de son "Discours sur le colonialisme" élargit encore son audience et donne à son oeuvre son aspect universel.

"Au delà des Caraïbes, son aura est énorme. En Afrique, c'est quelque chose de très fort. Ses poèmes de +Cahier d'un retour au pays natal+, ou son discours sur la colonisation sont étudiés dans les lycées", rappelle Daniel Maximin.

Jusqu'à ces dernières semaines, lors de ses nombreuses rencontres avec des jeunes, lycéens ou collégiens, dans son bureau de Fort-de-France, c'est lui qui, à 94 ans, incitait ses visiteurs à écrire et à créer.

"C'était un éclaireur, pour que chacun prenne son propre chemin. Pas un père littéraire, mais un éveilleur de liberté", dit Daniel Maximin.

La plupart des auteurs martiniquais contemporains revendiquent une filiation avec lui, même si les héritiers se sont parfois montrés rebelles.

Dans les années 1980, une nouvelle génération d'écrivains, comme Patrick Chamoiseau, a mis l'accent sur la "créolité", au delà du concept de "négritude" forgé par Césaire et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor dans les années 1930.

Prix Goncourt en 1992 pour "Texaco", Chamoiseau, 54 ans, réinvente le langage des petites gens de la Martinique, terreau d'une littérature orale. Les Créoles ne se veulent pas seulement "nègres", mais revendiquent une multiplicité d'apports culturels qui constituent l'identité antillaise.

Une distinction qu'Aimé Césaire juge alors "artificielle", et dans laquelle il perçoit "un rejet secret de l'Afrique". Les auteurs, en 1989, d'un "Eloge de la créolité" (Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Jean Bernabé), ne manquent d'ailleurs pas de se proclamer "à jamais fils de Césaire".

Mais au delà des Caraïbes et des courants militants, nombre d'écrivains ouverts au monde, comme les Français J.M.G. Le Clézio ou Erik Orsenna, ont régulièrement affirmé tout ce qu'ils doivent à l'oeuvre de Césaire.

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