mardi 15 avril 2008

Martinique : Fort-de-France dans l'attente de la mort de "Papa Césaire"



Les yeux gonflés de chagrin, Joëlle Jules-Rosette se tient, comme tous les jours, dans l'antichambre du bureau que l'écrivain Aimé Césaire, maire honoraire, a occupé ces dernières années dans l'ancien hôtel de ville de Fort-de-France. Mais, lundi 14 avril, "monsieur le maire", comme l'appelle sa secrétaire, n'est pas présent.

Depuis mercredi 9 avril, il est au CHU. Les bulletins de santé se succèdent. A 18 heures, lundi, le sixième différait légèrement des précédents : "Etat clinique inchangé (au lieu de "jugé stable") mais toujours préoccupant". Et la Martinique poursuit son attente inquiète, redoutant le jour de l'annonce de la mort de "Papa Césaire".

CHANTS RELIGIEUX

Dimanche, rues désertes et rideaux clos, le centre-ville n'était dérangé que par deux bruits : des chants religieux et des jets de nettoyeurs haute pression. Les premiers sortaient de la cathédrale, où le curé avait invité les fidèles à avoir "une intention de prière pour Aimé Césaire". Les seconds venaient de la vieille mairie.

On nettoyait les façades, on peignait en blanc. Si l'auteur du Cahier d'un retour au pays natal mourait, les Martiniquais pourraient converger vers le bâtiment et son balcon, depuis lequel il s'est si souvent adressé à eux. Agé de 94 ans, le chantre de la négritude - concept fondé dans les années 1930 à Paris avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guyanais Léon-Gontran Damas -, arrive au bout d'une vie et d'une oeuvre qui ont marqué le XXe siècle.

Seul autre signe d'activité dans la quiétude dominicale, le parking de la mairie est plein. Les proches d'Aimé Césaire multiplient les réunions pour préparer les obsèques. La famille du poète, la mairie de Fort-de-France et le PPM, le parti autonomiste qu'il a créé, étudient les hypothèses, de l'hommage à l'ancienne mairie à la cérémonie au stade municipal Pierre-Aliker, du nom du plus proche compagnon d'Aimé Césaire, âgé aujourd'hui de 101 ans. C'est là que fut rendu, le 24 août 2005, l'hommage national aux 160 victimes, dont 152 Martiniquais, de la catastrophe aérienne de Maracaibo.

Pour Aimé Césaire, des délégations en provenance de nombreux pays, notamment d'Afrique, devraient faire le déplacement. Nicolas Sarkozy pourrait se rendre en Martinique, Paris n'ayant pas oublié que la France avait commis une erreur en n'envoyant qu'un ministre délégué aux obsèques de Léopold Sédar Senghor, le 29 décembre 2001. Ni le président Jacques Chirac ni le premier ministre Lionel Jospin ne s'étaient rendus à Dakar.

Nicolas Sarkozy, après avoir été éconduit fin 2005 par Aimé Césaire pour cause de loi reconnaissant "les aspects positifs de la colonisation", s'était impliqué dans la décision de baptiser l'aéroport de la Martinique "Aimé-Césaire".

Patrice Louis

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